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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/288

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âge ; les poètes se plaisaient à en donner de longues énumérations (qu’il ne faut pas prendre à la lettre). Les ménestrels forment les premiers orchestres ; ils se divisent par groupes et de bonne heure par groupes spécialisés. À la cour du roi Charles v (1364-1380) fonctionnent des joueurs de « bas instruments » jouant à la fin des repas royaux « si doulcement jouez comme la musique peut mesurer son ». Mais les formes primitives de la M. sont celles des danses ou des chansons transcrites ; peut-être l’orgue seulement, de très bonne heure, donna-t-il lieu à des compositions de style déterminé. Les premiers recueils imprimés, ceux de plusieurs éditeurs italiens du commencement du xvie s., ceux publiés à Paris par Attaingnant en 1529, ne contiennent guère d’autres formes ; on voit cependant s’y mêler, dès le début du siècle, en Italie et en Espagne, des préludes, intrade, ricercari, fantaisies, mais sans développements véritables. La plupart des recueils s’adaptent d’ailleurs à n’importe quels instruments. Adrien Willaert et J. Buus (1547 et années suivantes) furent les premiers qui cherchèrent à donner une grande importance aux formes spécialement inventées pour les instruments, au lieu des transcriptions et des danses. Les deux Gabrieli, continuant la lignée de Willaert, s’avancent vers le traitement d’un thème en contrepoint ; toutefois, les titres divers que portent leurs pièces et celles de leurs contemporains — ricercar, fantasia, canzone, capriccio — ne comportent pas de différences sensibles de plan ni de style. A. Gabrieli nomme intonazioni des préludes pour orgue, en style d’improvisation, et toccate des pièces développées ; son rôle est très considérable dans la formation du style instrumental. Mais, s’il paraît certain que le ricercar précéda les autres formes développées, Prætorius (1619) le considère comme synonyme de fuga, ce qui est encore l’usage de Frescobaldi ; de même Prætorius assimile la canzone à la sonata, dont le nom apparaît pour la première fois. C’est au cours du xviie s. que se fixent les diverses variétés de M. propres à chacun des différents instruments, en même temps que l’ensemble de groupes concertants amène la création de la M. symphonique. (Voy. M. descriptive, et Symphonie.) || M. mesurée. 1. Terme employé, dès les xiiie-xive s., par opposition au chant grégorien ou plain-chant, dont les proportions, selon l’enseignement des auteurs, sont « immensurables », c’est-à-dire ne peuvent être soumises à la mesure. 2. M. mesurée à l’antique. Genre de musique vocale qu’un groupe de compositeurs, de poètes et d’humanistes essaya de créer vers la fin du xvie s., sur les vers français mesurés, selon leur appréciation, à l’imitation des vers latins classiques. La M. des trouvères et des troubadours avait aussi reposé sur la scansion des vers et se réglait sur des modes métriques issus de la poésie. Cette tradition était perdue lorsque l’humanisme entreprit de la renouveler, croyant n’avoir de précédents que dans l’antiquité classique. (Voy. Mètre.) Les essais de poésie métrique avaient commencé dès le xve s. et s’étaient révélés en France, en Italie, en Angleterre. Ils prirent en France une extension et une importance particulières dans la seconde moitié du xvie s., et se trouvèrent associés par J. A. de Baïf à une tentative de bouleversement de l’orthographe, ainsi qu’à des essais d’association de ces « vers mesurés » à la M. Baïf, d’après son propre témoignage, aurait été dirigé vers cette association par le musicien J. Thibaut de Courville, avec lequel il fonda en 1571 une Académie de poésie et de musique. (Voy. Académie.) Dans les concerts de cette Académie furent exécutées par des voix, accompagnées ou non, et furent peut-être récitées avec l’accompagnement d’accords joués sur le luth ou la lyre, les pièces de vers du petit nombre de poètes qui s’étaient rangés à la suite de Baïf. Un des premiers travaux de celui-ci en vers mesurés avait été une série de traductions de psaumes, mis en M. par Thibaut de Courville, puis par Mauduit, qui composa à 4, 5, 6 voix les Chansonnettes de Baïf (1586). Les ouvrages de Claudin Le Jeune sur des vers mesurés ne furent publiés qu’après sa mort, en 1603 et 1606. Quelques compositions du même genre d’Eustache du Caurroy, furent insérées dans ses Mélanges posthumes, en 1610. Les musiciens « humanistes » ou qui collaboraient avec les poètes humanistes, s’efforçaient avant tout d’être des métriciens, et de conformer strictement le rythme de leurs mélodies à la mesure (métrique) des vers. Ils revenaient sans le savoir aux Modes métriques de la musique du moyen âge, oubliés depuis longtemps. Ils ne plaçaient de barres de séparation qu’à la fin des vers. S’astreignant à suivre pas à pas l’allure du mètre poétique, pour mieux la respecter, ils renonçaient aux ressources du contrepoint, de l’imitation, etc. Une grande