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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/314

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de l’œuvre. || Désormais, tout lien est brisé avec le vieil O. ; les compositeurs cherchent d’autres dénominations pour leurs ouvrages de théâtre, et essayent toutes sortes de vocables pour ne pas employer le mot O., qui ne répond plus au plan de l’œuvre. En France, Fervaal, de d’Indy (1895), est appelé « action musicale ». Le juif polonais d’Erlanger (1900), au titre de la partition de piano, porte « drame musical » et, à l’argument, « conte lyrique ». Louise, de Charpentier (1900), « roman musical » ; Pelléas et Mélisande, de Debussy (1902), « drame lyrique » ; Ariane et Barbe-Bleue, de Paul Dukas (1906), « conte musical ». Le drame musical moderne trouve sa forme la plus développée dans la Légende de saint Christophe, de d’Indy (1914)[1], au titre de « drame sacré en trois parties » ; tous les éléments de musique et d’action scénique employés dans tous les genres y sont condensés en une vaste synthèse où l’art religieux et l’oratorio, la composition symphonique et dramatique, s’unissent en un ensemble que Parsifal laissait déjà pressentir, mais qui est ici dépassé dans des proportions absolument extraordinaires.

Le nombre des O. composés jusqu’à nos jours atteint un total effrayant. En 1911, un auteur anglais, John Towers, ayant publié le prospectus d’un Dictionnaire devant contenir les titres de 28 015 O. et opérettes, un Allemand, G. Stieger, s’empressa de démontrer que les omissions y seraient dans la proportion de 70 p. 100, en arrêtant les corrections et additions à l’année 1905. Dans l’étendue comprise entre les articles Aaron et Achille, l’Allemand trouvait à ajouter 114 œuvres aux 165 citées par le Dictionnaire. || O.-ballet. — Le Triomphe de la paix, de Lulli (1685), est le premier du répertoire de l’O. qui porte ce titre. Après la mort de Lulli, cette forme de spectacle devint plus fréquente. On remarque dans le nombre : L’Europe galante, de Campra (1697), les Festes grecques et romaines, de Colin et Blamont (1723), Les Éléments, de Destouches et Lalande (1725). Le titre de « comédie-ballet » est donné aux O. Le Carnaval et la folie, de Destouches (1704), la Vénitienne, de La Barre (1705). Le titre de « ballet héroïque » est donné aux Indes galantes, de Rameau (1735), et à plusieurs ouvrages suivants, à L’Union de l’amour et des arts, de Floquet (1773).

Platée, de Rameau (1749), est intitulé « ballet bouffon ». C’est un O.-ballet avec des scènes bouffons et des effets de musique descriptive et imitative. || O.-buffa. — Ainsi que pour l’O.-seria, les premiers modèles de l’O.-buffa viennent d’Italie. On regarde comme le plus ancien essai d’O.-comique italien l’Amfiparnasso d’Orazio Vecchi (1594), intitulé Commedia armonica, où le style bouffe apparaît dans les formes polyphoniques de l’époque, sans chant solo. Des scènes chantées bouffonnes se rencontrent dans les ouvrages dramatiques italiens dès la fin du xvie s. et dans presque toute la durée du xviie s.

Mais c’est dans les intermèdes-bouffes de la comédie et de l’O. italiens que réside la vraie origine de l’O.-comique. Dans l’O. d’Al. Scarlatti, Il prigioniero fortunato (1699), « O. semi-seria », il y a deux rôles comiques qualifiés de buffo, dont les parties contiennent des morceaux de style musical absolument comique. Le Trionfo dell’Onore, du même auteur (1718), est le plus ancien O.-buffa napolitain dont la musique ait été conservée. Le chant populaire joue un grand rôle dans les premiers O.-bouffes napolitains, comme dans les O.-comiques français en vaudeville (voir plus loin), comme dans le Beggar’s O. de Gay et Pepusch (1728), satire anglaise contre les O. italiens de Hændel. Le prédécesseur immédiat de Pergolèse, Leonardo Vinci, fut l’auteur de plusieurs O.-bouffes en dialecte napolitain, Le Zite ’ngalera (1719), etc. Mais c’est La Serva padrona, de Pergolèse, avec le titre d’ « intermède à deux personnages » qui fixe le genre définitif de l’O.-buffa (1729) ; jouée pour la première fois à Naples le 28 août 1733, sa représentation à Paris en 1746 fit connaître en France ce nouveau genre de composition qui dans l’intervalle s’était enrichi en Italie de plusieurs ouvrages. Dans le répertoire moins ancien que l’O.-seria, mais très nombreux aussi, de l’O.-buffa ou comique, le contraste entre les formes anciennes et l’O.-comique ou l’opérette est moins violent ; cependant le nombre des œuvres italiennes anciennes resté célèbre ou seulement tolérable est bien petit. On s’étonne de n’avoir pu rien sauver de la production comique ou légère de Al. Scarlatti, de Galuppi, Logroscino, Leo, Traetta, Piccini et pas même de Cimarosa et Cherubini. Tout cela ne fournit plus qu’un champ d’études à l’historien, et une mine peu fréquentée de morceaux choisis aux chanteurs.

  1. * La Légende de saint Christophe a été représentée à l’Opéra de Paris au cours de l’année 1920.