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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/433

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quarte, quinte et double octave. De là, le nom de S. donné aux compositions musicales basées sur l’emploi de ces consonances, sens qui a persisté pendant longtemps pour désigner même les pièces vocales. || 2.  *Le nom de S. a désigné aussi plusieurs instruments. Dès l’antiquité, une variété de tambour dont les cordes de timbre, nettement accordées, faisaient ainsi entendre une consonance appréciable. Vers le xiie s., on a nommé du même terme les vièles à roue, à cause du perpétuel organum que les cordes de chant formaient avec le bourdon ; le mot symphonia a pris les formes françaises de syphonie et chifonie, qui a prévalu pendant plusieurs siècles. Enfin, pour les mêmes raisons, le même nom a été donné aussi, à la cornemuse ; symphonia a donné les termes italiens et du Midi de la France, de zampogna, fanfogna, fanfougne, ce dernier et les formes voisines étant aussi appliqués, dans les patois du Centre, à la vièle à roue. || 3. C’est seulement vers la fin du xvie s. que le mot S. a été employé pour désigner de préférence des ensembles d’instruments ; ainsi Luca Marenzio l’emploie, en 1589, pour désigner des intermèdes joués par un orchestre. Le nom ital. sinfonia est donné assez indistinctement avec celui de ritornelle aux petits préludes pour les instruments, qui précèdent ou s’intercalent dans les premiers opéras italiens. On le trouve comme titre de pièces purement instrumentales chez les Italiens du commencement du xviie s.: Sinfonie e Gagliardi de Salomon Rossi, 1607 ; ce sont de petites pièces qui ont une allure de danse, et chez B. Marini, en 1617, quelques morceaux offrent le titre de sinfonia comme synonyme de balletto. Praetorius (1619) dit que les termes symfonia et ritornelle ne diffèrent pas nettement de sens. Il résulte de ses explications que ces titres étaient donnés à des pièces non destinées à la danse, mais inspirées de ses formes, les seules qu’on connût alors. Cependant, en 1607, Adr. Banchieri publie à Venise un volume : Ecclesiastiche Sinfonie à 4, que l’on peut exécuter soit sur l’orgue, soit en quatuor, et qui sont composées en forme de canzoni alla Francese. (Voy. Sonate.) Dans l’opéra vénitien du xviie s., la sinfonia prend une importance particulière. On la voit successivement se présenter sous une forme abrégée, rudimentaire, comme une succession de quelques accords ; dans une période délimitée entre 1660-1680, le style fugué s’y introduit ; après 1680, jusque vers 1700, la sinfonia d’opéra vénitienne s’oriente sur l’ouverture française. Les Suites allemandes de J.-J. Löwe (1658) à 5 instruments et basse continue commencent toutes par une sinfonia, qui est divisée en 2 reprises construites à l’aide de dessins musicaux différents sans rappel ni développement. En général, S. s’entend alors d’un tutti d’instruments, de sonorité pleine et compacte ; longtemps encore après, J.-S. Bach donne ce nom à des introductions de suites, même pour clavier : la Sinfonia, qui ouvre sa seconde partita a beaucoup d’analogie avec les premières sonates d’une seule pièce. Elle débute par un majestueux grave, adagio, que l’on pourrait comparer au début de la Pathétique de Beethoven ; ce mouvement, s’enchaîne sur un andante en forme de solo instrumental accompagné, qui, à son tour, se fond dans un brillant allegro fugué. Cette Sinfonia a quelque analogie de forme, sauf le grave initial, avec le morceau qu’il intitule ouverture dans la Partita IV, tandis que, dans son Oratorio de Noël, la Sinfonia qui sert d’ouverture à la seconde férie est un délicieux et doux andante pastoral en quintette tour à tour des bois et des cordes. Ailleurs il nomme S. des suites pour orchestre, vers 1720-1730. En France, J.-B. Moreau, dans Esther (1690), n’emploie encore que les expressions prélude, ritournelle ; tandis que son confrère M.-A. Charpentier, à la même date, se sert du terme S. pour désigner tout ensemble instrumental. || 4. Il ne semble pas que ce soit avant le second quart du xviiie s. que le mot S. ait été employé dans le sens où on l’emploie encore, d’une composition pour orchestre conçue, en général, sur le plan de la sonate. La S. est donc, désormais, pourrait-on dire, une sonate pour orchestre ; toutefois, elle se différencie de la sonate, même pour plusieurs instruments, en laquelle les instruments sont seuls chacun de son espèce ; elle se différencie de même du concerto, parce qu’ici le tutti ou concerto grosso alterne avec le concertino. Mais elle ne pouvait naître, sous cette forme, qu’après l’apparition et l’évolution première des formes sonate et concerto, ce qui nous mène à peu près au temps de l’apparition de la sonate bi-thématique. Effectivement, c’est vers 1720-1730 que J.-S. Bach nomme S. de grandes suites d’orchestre ; c’est entre 1725 et 1746 que le Suédois Jean Agrell écrit et publie les premières S. qui répondent à la définition précédente ; il est suivi de près par Telemann, qui, vers 1730, publie une œuvre compre-