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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/69

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métriques selon la formule, ou mode choisi, elle doit désormais, ou bien superposer dans les différentes parties différents rythmes poétiques, ou bien les plier tous à un rythme purement musical. Ce dernier parti s’impose dans les Ch. à danser, qui s’accompagnent du jeu des instruments. Au xive s., les raffinements poétiques des troubadours sont oubliés. Les ménestrels et ménestriers, « de bouche » ou d’instruments, qui leur ont succédé, sont avant tout des musiciens. Ils chantent et jouent, chez les princes ou dans les carrefours, les airs nouveaux et les couplets d’actualité. Charles vi reçoit en 1396 une supplique des « chifrineurs et chanteurs demourans à Paris, povre gens chargez de femmes et de plusieurs petits enfans », qui demandent l’autorisation de chanter des Ch. relatives au mariage d’Isabelle de France et de Richard ii d’Angleterre, ainsi que « d’autres nobles fais qui pourroient survenir ». Comme aujourd’hui, les textes de ce genre se chantaient sur des timbres connus, dont les échos ont dû longtemps retentir et peuvent retentir encore en des mélodies populaires. La Ch. populaire n’est pas un produit spontané. Celles auxquelles on donne ce nom, parce que la mémoire du peuple les a conservées et parce qu’elles sont anonymes, forment assurément un des trésors musicaux de la France. Il est extrêmement délicat de leur assigner une origine et une date. L’exemple le plus frappant des erreurs commises en pareille matière est celui de la Ch. basque d’Altabiscar, entendue près de Roncevaux, notée comme traditionnelle, rattachée au cycle de Roland, reproduite, entre autres, par Henri Martin, et que l’on a reconnue n’être qu’une assez misérable composition, éclose en 1834. Certains genres de Ch., auxquels leur simplicité donne un aspect populaire, sont, au contraire, des « œuvres de lettres ». Tels sont les Noëls et aussi les Ch. à boire, dont on ne trouve dans les campagnes et dans la tradition orale que des spécimens transmis par l’impression et apportés de la ville. Les Ch. traitées en contrepoint par les maîtres du xve et du xvie s., soit sous la forme de Ch. polyphonique, soit comme thèmes de messes ou de motets, sont pour la plupart d’origine nettement artistique et non pas populaire, ainsi que le prouvent déjà leurs textes, empruntés aux poètes. Un même texte, avec une même mélodie, sont repris tour à tour par des maîtres rivaux, qui les placent au ténor ou dans une autre partie et les enveloppent de deux ou trois autres voix, sur les mêmes paroles, en imitations canoniques ou librement inventées. Il arrive qu’une Ch. célèbre engendre une ou plusieurs variantes poétiques, à leur tour devenues le soutien de nouvelles mélodies et de nouvelles combinaisons polyphoniques. C’est ainsi que, de la Ch. Fors seulement l’attente que je meure, dérivent celles-ci : Fors seulement contre ce qu’ay promis et Fors seulement vostre grace acquerir, et que de ces trois versions poétiques surgissent plus de quinze œuvres musicales à 3 et à 4 voix. Ainsi se forme un répertoire d’une richesse inouïe, distinct de toutes les autres expressions artistiques, essentiellement français et cultivé sans mélange d’éléments étrangers par les musiciens de l’école franco-belge et exceptionnellement par quelques musiciens des écoles voisines. Après Dufay, Binchois, Busnois, Ockeghem, Pierre de la Rue, Compère, le grand Josquin Després († 1521) illustre cette période. En avançant dans le xvie s., Claudin de Sermisy, Certon, Janequin, Gombert, Créquillon rendent le style de la Ch. de plus en plus personnel et cessent de se reprendre les uns aux autres des thèmes traités comme par gageure. Orlando de Lassus († 1594) se montre particulièrement fécond en ce genre, que Costeley († 1606) et Claudin Le Jeune († vers 1600) achèvent d’enrichir. La Ch. spirituelle, que fit éclore, sous l’influence de la Réforme, un désir justifié de réaction contre l’immoralité d’un grand nombre de textes de Ch., ne s’éloigna que par le contenu poétique des formes habituelles de la Ch. profane et ne fut même quelquefois qu’une adaptation de compositions mondaines à des paroles expurgées ou renouvelées selon les procédés du cantique. La Ch. polyphonique disparut au xviie s. devant l’avènement de la cantate et de l’opéra, mais la Ch. à voix seule continua de traduire en formes élémentaires les passions de l’heure et le besoin de poésie et de musique qui est inné chez les foules. À la diversité de ses aspects s’ajoutaient successivement des variétés engendrées par le cours des événements, puis repoussées par les fluctuations de la mode. Les villanelles importées d’Italie furent en faveur sous Henri iv et servirent de trait d’union entre les anciennes pastourelles et les brunettes du xviie s. La vogue des voix-de-ville ou vaudevilles fut plus longue, et, après avoir constitué tout l’élément musical des premiers opéras-comiques, on les vit, dans le xixe s., donner leur