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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/70

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nom à un genre de comédie mêlée de couplets. Les airs que l’on chantait sous Louis xiii et Louis xiv, quelquefois à plusieurs voix, mais plus souvent à la cavalière, sans aucun accompagnement, étaient d’un style plus recherché et pénétraient rarement dans les milieux populaires. À ceux-ci s’adressaient les Ch. du Pont-Neuf, que leurs auteurs chantaient et vendaient en plein vent, tandis que les « beaux-esprits » rassemblés dans les salons et dans les cafés littéraires rimaient à profusion de nouveaux couplets, grivois, bachiques, satiriques ou politiques sur des timbres puisés à toutes les sources, indéfiniment utilisés et dont on publiait à leur usage des recueils commodes, la Clef des Chansonniers, la Clef du Caveau. En présence de cette adaptation continue des mêmes mélodies à des textes d’actualité, il est souvent impossible à l’historien d’en déterminer avec certitude la destination première. Le centre de gravité de la Ch. se trouvait déplacé, et le côté littéraire l’emportait sur la musique, simple véhicule des paroles. Le plus célèbre des chansonniers, au xixe s., Béranger, n’en usait pas autrement. Au contraire, Pierre Dupont († 1870) et Gustave Nadaud († 1893) imaginaient la musique aussi bien que le texte de leurs Ch. Parmi les variétés du genre Ch., la romance occupa, depuis la fin de l’ancien régime jusqu’à l’époque Louis-Philippe, une place prépondérante ; c’était une Ch. élégiaque ou sentimentale dont les auteurs visaient un niveau d’art relativement élevé et préparaient le terrain à la mélodie des écoles modernes. La Ch. française, de nos jours, est aussi vivante, aussi abondante et aussi variée qu’à aucun moment de son histoire. Sa production annuelle se chiffre par des milliers de volumes, de journaux ou de feuilles volantes. Elle couvre de son nom d’ineptes refrains de café-concert ; elle prête l’ascendant du rythme musical aux productions de la basse littérature ; mais, au pôle opposé, elle revêt les formes d’art les plus délicates et les plus raffinées. C’est ainsi que, sur des vers de Richepin, de Verlaine, de Pierre Louys, on a vu Alexandre Georges composer les Chansons de Miarka (1895), Fauré, La Bonne Chanson (1891), et Debussy, les Chansons de Bilitis (1898). Nos maîtres modernes reviennent heureusement aujourd’hui à ce vocable français de Chanson, trop longtemps dédaigné et qui, vieux de huit ou neuf siècles, embrasse toutes les acceptions de notre lyrisme musical.

Chansonner, v. tr., = mettre en chansons. Se dit, au point de vue exclusivement littéraire, de la composition de couplets relatifs à un personnage ou à un événement déterminé.

Chansonnette, n. f. Diminutif de chanson. Ce titre fut autrefois donné à des chansons à plusieurs voix, de style gracieux relativement simple, imitées des Canzonette italiennes. Celles de Jacques Mauduit (1586) étaient composées sur les poésies de J.-A. de Baïf en « vers mesurés à l’antique ». De nos jours, le titre de Ch. est attaché aux petites pièces comiques, qui demandent à être « dites » plutôt que chantées.

Chansonnier , n. m. Celui qui compose des chansons, et spécialement des paroles de chansons. || Recueil, manuscrit ou imprimé, contenant des chansons, avec ou sans notation musicale.

Chant, n. m. 1. Usage musical de la voix. Le chant est naturel à l’homme, qui s’y exerce instinctivement dès la première enfance et le délaisse ou le cultive, en avançant en âge, selon le développement de son intelligence et de ses facultés musicales. La physiologie explique le mécanisme du chant par l’anatomie de l’appareil vocal et l’étude de son fonctionnement. La pédagogie le dirige par des méthodes rationnelles. L’art y puise les éléments essentiels de la beauté musicale. L’histoire en observe les doctrines et les applications. Bacilly (1679) déclarait trois choses nécessaires pour parvenir à bien chanter, savoir : la voix, la disposition et l’oreille ; par « disposition », il entendait l’intelligence. « Le vulgaire, disait-il, donne tout le mérite du chant à la voix qui le produit, sans considérer que fort souvent on a de la voix sans bien chanter ou même sans pouvoir jamais y parvenir. » La beauté du son est en effet le fondement indispensable du plaisir musical que procure le chant, mais elle est justiciable de l’oreille, en sorte que tout chanteur doit posséder en premier lieu une sensibilité parfaite de l’ouïe. En effet, le point de départ de l’enseignement du chant est l’imitation ; l’enfant ou l’élève commencent par reproduire les sons qu’ils ont perçus ; puis, ils apprennent à contrôler par leurs propres organes le fonctionnement de leur voix. Ainsi se justifie la méthode orale, préconisée au début de l’éducation musicale. Elle fut seule en