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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/111

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— Oui, Maître, et je n’ai pas eu besoin de l’or que tu m’avais confié, la parole a suffi. Les vieilles rivalités entre Turcs et Arabes sont oubliées ; nos frères d’Europe ont compris que tu étais seul capable de relever dans le monde le prestige musulman dont ils sont les derniers représentants sur le continent chrétien. On t’attend là-bas.

— Et l’usurpateur ? demanda le Sultan dont les sourcils se froncèrent.

— Il s’endort dans les délices du harem, et ne veut pas voir le péril qui monte. On l’a prévenu pourtant, mais il compte pour le défendre sur ces chiens de chrétiens ; pauvre insensé ! Ton arrivée sur les bords du Bosphore sera le signal d’une révolution et ton successeur (que Dieu le maudisse !) sera fait prisonnier à la première heure.

— Qu’on ne le laisse pas fuir surtout, dit le Sultan qu’on ne le tue pas non plus, car je veux qu’il me revoie avant de mourir.

Et si le successeur d’Abd-ul-M’hamed eût entendu ces mots : « Je veux qu’il me revoie » ; s’il eût pu surprendre le regard qui les accompagnait, il eût éprouvé ce frisson qui secoue les condamnés à mort lorsque s’ouvre pour eux la porte de la Roquette et qu’ils aperçoivent le fil bleu du couperet.

— Sois sans crainte, dit Mahmoud.

— Qu’on n’agisse pas trop tôt non plus, car si une révolution éclatait aujourd’hui à Stamboul, Anglais et Russes en profiteraient pour y entrer de suite, et la prise en deviendrait beaucoup plus difficile.

— On n’agira que suivant tes ordres.

— Qu’on attende ma venue surtout ; or, elle dépend de notre réussite ici, et, cette réussite, j’avais compté pour l’assurer, non seulement sur les moyens dont je dispose, mais encore sur les ressources de nos frères de Turquie, sur les vaisseaux turcs dont le pavillon m’a été signalé parmi ceux qui croisent sur la mer Rouge. J’avais compté surtout qu’ils ne resteraient pas là unis à nos ennemis et ne me forceraient pas à agir contre eux.

C’est là surtout que mes négociations ont été heureuses, reprit Mahmoud qui caressa sa longue barbe d’un air de satisfaction, car j’ai le bonheur de t’amener aujour-