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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/163

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de mille hommes mangeaient et se débrouillaient, attendant dans un repos relatif le moment de reprendre leur marche.

Il est juste d’ajouter que chacun de ces soldats, si durs à la fatigue pourtant, se contentait pour vivre d’un ordinaire qu’un chien de cantinier eût trouvé insuffisant.

Avec un morceau de dogara séché, du lac Nyanza, soit 100 grammes de poisson environ, une petite écuelle d’huile de sésame, trois poivrons et une banane, un Mahdiste faisait bonne chère.

C’était la « Rouina ou ration de campagne normale.

Deux tiges de sorgho en plus et le repas devenait une vraie noce ; une poignée d’arachides et une kisseré, sorte de galette coriace, semblable à une crêpe, se joignaient-elles à ce menu, c’était une débauche !

Les quarts de vin et les seizièmes d’eau-de-vie qui, à périodes plus ou moins rapprochées, viennent éprouver le gosier des soldats européens, étaient choses inconnues pour tous ces buveurs d’eau dont la seule boisson un peu excitante était le vin de palmier fermenté.

Mais ils étaient si nombreux qu’ils tarissaient les sources en quelques jours, et ce fut avec une satisfaction indéfinissable que le fils du Sultan vit un soir le feu vert s’allumer au sommet du mât du Stamboul.

À peine le fanal attendu venait-il d’apparaître qu’il était signalé au Sultan de cent points à la fois.

Quelques instants après un feu semblable s’allumait sur les autres bateaux turcs.

Les plongeurs Danakils avaient été soigneusement prévenus que les bâtiments munis de feux de cette couleur au sommet de leurs mâts devaient être respectés. Alors sur tout le front de l’armée noire dont les Européens ne soupçonnaient guère l’extraordinaire densité, une rumeur immense se produisit.

Par ordre du Sultan, toutes les troupes qui bordaient immédiatement le rivage avaient pris les armes ; des postes nombreux avaient occupé silencieusement tous les points dominants ayant vue sur la mer.

Les musulmans attendaient l’événement qui allait leur ouvrir l’accès de l’Asie.

La grande œuvre de destruction accomplie, les sentinelles