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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/198

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tude, la surface liquide déserte qu’il avait entrevue à sa rapide lueur.

Sous la vigoureuse poussée de la voile et des rameurs qui s’inclinaient en cadence, le frêle esquif bondissait à la surface des vagues de plus en plus fortes ; la côte d’Afrique était déjà loin : on la devinait à la silhouette indécise de ses falaises ; la côte d’Asie encore invisible se fondait dans l’obscurité du ciel.

De Melval se leva.

— Tu diriges mal, fit-il à l’Arabe qui, immobile, se tenait au gouvernail.

Pas de réponse.

— Nous sommes fortement sur la gauche : pourquoi t’éloigner ainsi ?

Mais l’indigène, immobile, sembla ne rien entendre.

— Quelle langue parle donc ce mécréant pour ne pas me comprendre ? fit l’officier qui s’était exprimé en arabe.

— Moi, je crois qu’il fait semblant de ne pas entendre, dit Hilarion en se levant à son tour ; attendez, mon capitaine, je vais aller lui secouer le poil.

Déjà, leste comme un chat, l’ordonnance enjambait l’un des bancs.

Mais le Soudanais le plus voisin lui posa la main sur l’épaule, l’obligeant à s’asseoir.

— Lioune Lioune j’ai peur, dit la jeune fille qui se blottit contre lui.

— Laisse, Hilarion, dit l’officier.

Et tout bas il ajouta :

— Si seulement Zahner était avec nous mais quelle malchance d’être séparés pour une traversée pareille !

Puis, sentant la jeune Arabe trembler contre lui :

— N’aie pas peur, Nedjma, fit-il : il faudra bien que nous arrivions de l’autre côté, ce n’est pas large.

Il se tut ; une légère secousse venait de se faire sentir ; le sampan avait heurté quelque chose ; puis un deuxième choc un peu plus fort se produisit, et de Melval distingua confusément des pièces de bois s’entre-choquant au milieu des vagues clapotantes.

La barque arrivait au milieu des débris des bâtiments