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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/237

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Qu’elle l’eût oublié, il le croyait ; qu’elle en eût aimé un autre, cela ne paraissait que trop certain, car il y avait la lettre, cette lettre maudite qu’il ne pouvait relire sans que son cœur s’arrêtât, cette lettre qu’il gardait comme un témoignage irréfutable pour le jour où, peut-être, il se dresserait devant elle.

Comment eût-il pu supposer que cette lettre lui était adressée à lui-même et que Saladin l’avait volée ?

Son esprit s’était égaré en mille suppositions c’était la seule qu’il n’eût pas faite.

Car il y avait lu cette phrase qui lui avait fait verser des larmes de sang :

« J’avais cru aimer autrefois : c’est aujourd’hui seulement que je sens la « puissance de mon amour pour vous »

Cette phrase maudite ne disait-elle pas assez qu’elle avait reconnu le vide de son premier amour, de celui dont l’officier avait emporté les serments si vite oubliés ; ne montrait-elle pas qu’une passion nouvelle s’était substituée à cet « amour de pensionnaire » comme l’avait appelé Saladin.

Il en était là de ses réflexions lorsqu’un sous-officier anglais s’arrêta à quelques pas de lui, le salua militairement et le nomma.

— Monsieur le capitaine de Melval ?

— C’est moi.

— M. le gouverneur vous prie de venir pour le conseil.

Il n’y songeait plus à ce conseil ; il ne songeait pas davantage au bombardement qui redoublait pourtant, car pendant cette conversation si passionnante pour lui, des débris de plaquage et des morceaux de pierre étaient tombés dans la casemate où les deux officiers s’étaient réfugiés.

De Melval serra la main de son nouvel ami.

— À ce soir, dit-il.

Puis il traversa la cour sans s’émouvoir des projectiles qui tombaient ; dans l’état d’esprit où il se trouvait il eût peut-être béni l’obus qui l’eût coupé en deux.

Le conseil était rassemblé dans une grande salle où avait lieu les réunions d’officiers, local analogue aux salles d’honneur des régiments français.