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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/253

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sur le chemin du retour, entre quelles mains vous avez placé votre nouvelle affection, vous frémirez…

« Peut-être alors regretterez-vous d’avoir anéanti aussi vite un bonheur que la mort avait renoncé à briser.

« Léon de Melval,
« Prisonnier sur parole au camp du Sultan
(Île de Périm).
 

Cette lettre, il avait été tenté dix fois de l’arracher.

Pourquoi lui écrire ? que lui importait cette femme, maintenant ?

Pourquoi ce regret vers l’irréparable ?

Ne valait-il pas mieux lui laisser croire qu’il n’avait pas eu une pensée pour elle ?

Il essayait de se représenter la scène, le jour où elle apprendrait son miraculeux sauvetage et où elle rencontrerait quelque part Pol Kardec.

Il l’entendait, interrogeant d’une voix tremblante :

— Vous avez rencontré là-bas M. de Melval, je crois, prisonnier des musulmans ?

— Oui, mademoiselle ; il m’a même chargé de lettres pour ses parents, pour ses amis, et je me suis acquitté de toutes ses commissions.

— Je l’ai beaucoup connu, il ne vous a pas parlé de moi ?

— Non, mademoiselle.

— Que penserait-elle alors ? elle souffrirait… oh ! oui, elle souffrirait, il le sentait bien.

Comme il serait bon de la faire souffrir après ce qu’il avait enduré, lui !

Mais il se dit :

« Je veux qu’elle sache que je connais la vérité et que je lui défends de penser à ce misérable. »

Et cette pensée le décida.

L’embarquement des hommes de troupe était presque terminé ; les officiers avaient quitté le fort les derniers, comme il est de règle à bord d’un navire qui coule.

— Tenez, mon ami, dit de Melval à l’officier de marine,