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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/280

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Delta au cordon du littoral. Ce passage, déjà défendu par Arabi-Pacha sur la ligne Kafr-Douar en 1880, est la porte de l’Égypte, et il n’était pas à craindre que les Anglais pussent arriver par une autre porte, celle de Ouadi-Toumilat, fameuse par le combat de Tell-el-Kebir ; car cette dernière trouée, par où passe le canal d’Ismaïlia, était tout entière au pouvoir des Noirs depuis la prise du canal de Suez.

Par la promptitude de sa marche et l’audacieuse habileté de ses manœuvres, Ahmed-ben-Snoussi venait de se révéler comme le lieutenant le plus habile du Sultan dans le nord de l’Afrique.

Les chefs des deux armées, qui le suivaient, armées d’ailleurs moins nombreuses et moins bien organisées que la sienne, se rangèrent d’eux-mêmes sous ses ordres à la suite de ses succès rapides.

En quelques semaines, il assura l’occupation entière de l’Égypte, prit des dispositions pour la libre navigation du Nil et l’ensemencement de sa vallée, donna des ordres pour le ravitaillement de ses troupes, et avant de se diriger vers la Syrie, expédia au Sultan par la presqu’île du Sinaï et le pays de Madian ses meilleurs courriers méharistes. A raison de 100 kilomètres par jour, ceux-ci arrivèrent à La Mecque en même temps que le Sultan pour lui offrir, à son entrée dans la Ville sainte, les clefs du Caire et les hommages des armées du Nord.

Mais une nouvelle allait inonder le cœur d’Abd-ul-M’hamed d’une joie plus intense encore que les autres : c’était celle de la capture de Tewfik, le khédive égyptien qui, se joignant aux Anglais, l’avait poursuivi dans ses États dix ans auparavant, lui son ancien suzerain, son ancien chef politique et religieux.

De tous les ressentiments qu’avait amassés le Sultan dans sa longue retraite, celui-là était bien un des plus vivaces.

Surpris par les événements, le khédive n’avait pas eu le temps de fuir à bord d’un navire anglais ; il avait succédé en 1898 au jeune prince Abbas-Pacha, en qui le sentiment national avait vu le futur libérateur de l’Égypte, mais que l’Angleterre inquiète avait dépossédé avec cette brutalité dont lord Cromer, son représentant, avait le monopole.

Dès lors le souverain nominal de l’Égypte avait été le ser-