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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/307

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Quand il étendit les bras, un long mugissement s’éleva qui, peu à peu grandit, formé de millions de voix humaines.

— Labbeika ! Allahoum, labbeika !

« Nous sommes à toi ! Seigneur, nous sommes à toi ! »

Oui, il les sentait à lui, bien à lui : instruments aveugles dans sa main puissante, ils allaient se ruer à la mort sur un signe, et, en écoutant le bruit d’ouragan qui se répercutait au loin, portant la dernière prière du pèlerinage jusqu’aux rangs extrêmes des combattants de la sainte cause, Abd-ul-M’hamed ne douta plus de la victoire de l’Islam.

Restait à mettre au cœur des chefs le fanatisme qu’il venait d’insuffler à la foule, et, pour eux, le Sultan avait ménagé une scène d’une grandeur incomparable.

Mais il importait que le pèlerinage à La Mecque même prît fin le plus tôt possible et que les armées continuassent leur marche vers le Nord, car déjà les immenses approvisionnements, réunis depuis plusieurs mois autour des puits et de l’aqueduc de la Mouna, tiraient à leur fin.

De plus, une des cérémonies du pèlerinage avait exigé l’égorgement de milliers de moutons en souvenir du sacrifice d’Abraham, et les exhalaisons qui s’élevaient du champ de carnage où il avait eu lieu ne manqueraient pas de provoquer de redoutables épidémies dans cette multitude, si son séjour se prolongeait.

Mais, au moment où le Sultan allait quitter La Mecque, après une dernière prière à l’intérieur de la Kaâba, une caravane arrivait d’Égypte, composée uniquement de méharis coureurs au nombre d’une vingtaine.

Ils étaient montés par des Tibbous, les indigènes les plus sobres du Sahara, car ils vivent d’une farine formée de coloquintes et de dattes séchées mélangée avec de la fiente de chameau ; poudreux, brûlés, d’une maigreur extrême, ils avaient fait en quatorze jours le trajet de onze cents kilomètres qui sépare Suez de La Mecque.

L’un des méharis était recouvert d’un de ces palanquins multicolores sous lesquels les fiancées et les femmes riches sont transportées en pays nomades, et déjà la multitude, dont les envoyés du cheik Snoussi fendaient les flots