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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/98

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Le Sultan contempla longuement la forêt de mâts qui se dressait en face de lui, si épaisse qu’elle lui cachait sur une longueur de trois kilomètres, les montagnes lointaines de l’Yémen.

Une buée grise montait au-dessus d’eux, prouvant que les chaudières étaient toujours sous pression ; des signaux s’échangeaient de bâtiment à bâtiment, les sirènes dispersaient sur les flots les ondes mugissantes de leurs appels.

Au loin, vers le Nord, les panaches de fumée de croiseurs plus légers piquaient le ciel invariablement bleu de nuages fugitifs.

Éclaireurs toujours en mouvement, ils servaient de trait d’union entre la flotte internationale et le gros de la flotte anglaise rassemblée à Alexandrie.

Autour de ces forteresses flottantes et immobiles, de nombreux points noirs glissaient, se croisant. C’étaient des canots à vapeur exerçant jour et nuit autour des bâtiments une surveillance incessante.

Réunie dans le détroit depuis un mois à peine, cette nouvelle Armada se gardait avec un soin extrême comme si elle eût eu affaire à des flottes aussi puissantes qu’elle-même.

L’œuvre d’Abd-ul-M’hamed touchait là à l’instant critique.

Là-bas, de l’autre côté, c’était la péninsule arabique, cette patrie de l’Islam où il avait rêvé de réunir pour les retremper au contact de la Terre sainte, tous les combattants d’Afrique.

Plus de la moitié des armées noires convergeaient vers ce point.

Allaient-elles être arrêtées au bord de cette fissure ?

Si la civilisation européenne était assez forte pour barrer la route aux sectateurs de Mahomet, c’était là d’abord, la surtout qu’elle devait le prouver.

On pouvait le craindre en voyant réunies de pareilles forces.

Elles étaient sous les ordres de l’« admiral » anglais, lord Cecil Lytton.

Tant que l’Invasion noire n’avait menacé que l’Afrique septentrionale, la Grande-Bretagne ne s’en était pas émue sérieusement, et la nouvelle de la destruction d’une armée