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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/29

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son cou tendues à se rompre, une bouche fuyante de droite et de gauche, la double fosse du nez, l’inégal horizon des sourcils. Un homme, renversé aussi, mais pris de dos, offrait au contraire la plage de son front borné au second plan par une lisière touffue, que surmontait le promontoire raccourci du nez. Entre ces deux photos, un fait divers collé par quatre timbres réduisait l’esprit humain à deux dimensions et ne lui laissait pas d’issues.

Cette chambre était aussi sans issue, c’était l’éternelle chambre où il vivait. Lui, qui depuis des années n’avait pas de domicile, avait pourtant son lieu dans cette prison idéale qui se refaisait pour lui tous les soirs, n’importe où. Son émoi, évidé, était la, comme une plus petite boite dans une plus grande boite. Une glace, une fenêtre, une porte. La porte et la fenêtre ne s’ouvraient sur rien. La glace ne s’ouvrait que sur lui-même.

Cerné, isolé, Alain, à la dernière étape de sa retraite, s’arrêtait quelques objets. À défaut des êtres qui s’effaçaient aussitôt qu’il les quittait, et souvent bien plus tôt, ces objets lui donnaient l’illusion de toucher encore quelque chose en dehors de lui-même. C’est ainsi qu’Alain était tombé dans une idolâtrie mesquine ; ‬de plus en plus, il était sous la dépendance immédiate des objets saugrenus que sa fantaisie courte, sardonique élisait. Pour le primitif (et pour l’enfant) les objets palpitent ; ‬un