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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/259

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MAZAS.

menaces n’eussent été proférées par Garreau et l’on savait que celui-ci, allant souvent prendre le mot d’ordre à la Préfecture de police, avait dû recevoir les confidences de Ferré et de Raoul Rigault. Le bon vouloir des surveillants était neutralisé par la présence d’un corps nombreux de fédérés qui occupaient les postes de la prison et dont les chefs n’obéissaient qu’au directeur. Dans la matinée du 22 mai, un gardien entra dans la cellule où M. Rabut, commissaire de police, était enfermé et lui apprit que les troupes françaises s’avançaient dans Paris. « C’est votre délivrance, dit le gardien. — Ou notre mort, » répondit l’otage.

Le même jour, vers six heures du soir, un grand bruit se fit dans la maison ; les détenus entendirent les surveillants s’agiter dans les couloirs, ouvrir des portes et appeler des noms. Les gardiens se hâtaient ; une liste à la main, ils parcouraient leur division, s’arrêtaient devant une cellule désignée, faisaient glisser le verrou : « Allons, dépêchons, prenez vos affaires ; vous partez. » Le détenu se préparait rapidement, ramassait le peu d’objets dont on lui avait laissé l’usage et se plaçait sur le pas de sa porte. Les surveillants avaient le visage consterné ; on leur disait : « Où allons-nous ? » ils répondaient : « Nous n’en savons rien. » L’abbé Crozes, aumônier de la Grande-Roquette, M. Coré, directeur du Dépôt, furent prévenus et se tinrent prêts. Au dernier moment, lorsque déjà ils croyaient qu’ils allaient partir, un surveillant accourut et, les repoussant chacun dans sa cellule, il leur dit : « Pas vous, pas vous, rentrez ! » L’initiative des gardiens venait de les sauver tous les deux.

Voici ce qui motivait ce mouvement extraordinaire. À cinq heures, le procureur général de la Commune, Raoul Rigault, épée au côté et revolver à la ceinture, était entré dans la prison, accompagné de Gaston