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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/362

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LA GRANDE-ROQUETTE.

d’une prison. L’œil aux aguets, le doigt sur la détente du fusil, Antzenberger continua sa route en tête de la petite escouade qu’il dirigeait. Il parvint vers trois heures jusqu’à l’angle du cimetière, et dans la muraille il remarqua, non pas une brèche, mais une simple ouverture, un trou circulaire ; les pierres éboulées jusque dans la rue des Rondeaux formaient une pente propice à l’escalade. Le sergent n’hésita pas ; il gravit le déblai, ses huit hommes le suivirent ; ils étaient dans le Père-Lachaise. Des drapeaux rouges flottaient au vent, fixés à des tombes ou attachés aux branches des cyprès. Dans l’avenue circulaire, à la hauteur de la 83e division, une pièce de sept était en batterie, que l’on renversa rapidement ; plus loin le cadavre d’un cheval ; à côté du mur d’enceinte une tente dressée ; nul homme, nul fédéré ; partout la solitude et le silence contrastant avec les rumeurs de la bataille qui bruissaient autour du cimetière. Antzenberger envoya quatre de ses soldats en vedette le long des murs, contre lesquels des échafaudages avaient été élevés pour permettre aux insurgés de faire le coup de fusil sans péril. Le sergent se préparait à fouiller les taillis du cimetière, lorsque dans la rue des Rondeaux apparut le lieutenant Guillard précédant un peloton d’une trentaine d’hommes ; le lieutenant averti pénétra dans l’enceinte du Père-Lachaise, prit position près de la brèche de façon à se porter en arrière ou en avant, selon les circonstances, et donna ordre à Antzenberger d’aller reconnaître, aussi loin que possible, les terrains que les tombes et les arbres dissimulaient à la vue.

Antzenberger s’éloigna avec quatre hommes et s’engagea dans l’avenue des Thuyas ; on allait avec prudence, de chaque côté de la route, se défilant, comme disent les soldats, derrière les stèles funéraires et derrière les arbres ; on regardait bien avant de pousser