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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/363

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LA DÉLIVRANCE.

plus loin ; on franchit ainsi deux avenues, dans l’une desquelles se trouvait abandonné un camion peint en rouge ; dans la large avenue transversale on aperçut deux caissons d’artillerie et au delà des arbres, non loin de l’obélisque Duras Dias Santos, quelques képis ; on s’arrêta et l’on reconnut une quinzaine de fédérés qui, se présentant de dos, semblaient absorbés dans la contemplation de Paris en feu. D’un signe Antzenberger commanda à ses hommes de faire feu ; ils tirèrent en même temps. Les fédérés disparurent et l’on entendit un bruit de souliers qui fuyait à travers les tombes. Tout en glissant une cartouche dans leur fusil, le sergent et les quatre soldats se lancèrent au pas de course et ne trouvèrent plus personne. On fit le tour de l’énorme monument qui sert de sépulture à Félix Beaujour ; sur un terre-plain six pièces étaient en batterie ; à dix mètres plus loin en contrebas, derrière un pli de terrain, trois pièces et une mitrailleuse se dressaient contre Paris dont on découvrait le panorama sous un dôme de fumée immobilisé au-dessus de la ville, comme une nuée d’orage ; Antzenberger put crier : Ville prise ! il était et resta maître du cimetière.

Il posta deux sentinelles près du tombeau de Casimir Delavigne, de façon à surveiller un carrefour formé par la jonction de plusieurs routes ; il laissa deux autres soldats pour garder les canons et, refoulant sa voie, il se dirigea vers la rue des Rondeaux, afin de demander du renfort. À l’entrée de l’avenue des Thuyas, il rencontra le lieutenant Bahier, de l’infanterie de marine, qui venait, seul, reconnaître la position. Antzenberger le conduisit à la batterie abandonnée et reçut ordre d’aller chercher du renfort, car un retour des fédérés était possible, et ce n’est pas avec quatre hommes que l’on aurait pu le repousser. À ce moment, la situation s’aggrava singulièrement. Un obus éclatant dans l’avenue