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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/364

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LA GRANDE-ROQUETTE.

transversale prouva que Montmartre, occupé par les artilleurs français, tirait sur le Père-Lachaise : en outre une grêle de balles frappant les tombes, enlevant les branchettes des cyprès, apprit à nos soldats qu’ils étaient reconnus. Des insurgés, postés sur le toit des maisons de la rue des Poiriers, de la rue Robineau, les attaquaient sur leur droite, tandis que d’autres fédérés remplissant la maison du boulevard Ménilmontant portant le numéro 63 les fusillaient de face. On s’abrita derrière les grands monuments, et Antzenberger, se glissant le long du mur du cimetière, alla demander quelques hommes de soutien, qui lui furent refusés. Dans le trajet, il fut frappé d’une balle au bras gauche. Le lieutenant Bahier, mécontent d’être laissé en l’air avec une force dérisoire, sur une position stratégique de première importance, renvoya Antzenberger vers la rue des Rondeaux. Antzenberger obéit, reçut une balle dans la jambe droite et réussit enfin à ramener avec lui neuf fantassins de marine, dont un clairon.

Quinze hommes pour garder le cimetière du Père-Lachaise, c’était peu ; ce fut assez, car nul ne tenta de les déloger. Ils n’eurent qu’à s’abriter contre le feu des insurgés et contre les projectiles que les batteries de Montmartre continuaient à leur envoyer. On visita l’intérieur des monuments voisins : celui du duc de Morny était plein de victuailles ; celui de Félix Beaujour était jonché de couronnes d’immortelles, tassées les unes sur les autres et qui avaient servi de lit de camp aux fédérés.

Le temps était sombre, quelques ondées tombaient par intervalles, le crépuscule commençait à envahir le ciel, il était près de huit heures du soir[1], lorsque, sur la gauche, le lieutenant Bahier entendit une assez vive

  1. Le 27 mai, le soleil se couche à 7 h. 48 m.