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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/128

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l’Évangile, quoiqu’elles n’eussent d’autre secours que la lecture des livres, et les consolations qu’elles recevaient du Ciel.

Il ne restait plus à l’empereur que de dompter un monstre plutôt qu’un homme, qui s’étant mis à la tête d’une armée de voleurs et de mécontents, avait parcouru les provinces de Ho nan, de Kiang nan, et de Kiang si, où il avait laissé les traces les plus affreuses de sa barbarie et de sa cruauté. Il s’appelait Tchang hien chong.

Un jour qu’il invita les lettrés à venir se faire examiner pour les degrés, il les assembla en grand nombre, et il les fit tous égorger, disant que ces gens-là n’étaient propres qu’à exciter les peuples à la révolte par leur vaine éloquence. De six cents mandarins, il n’en resta que vingt au bout de trois ans que finissait l’exercice de leur charge ; tous les autres, il les avait fait mourir pour des causes très légères. Il fit massacrer cinq mille eunuques, parce que quelques-uns d’eux ne lui avaient pas donné le titre de roi, mais l’avaient simplement appelé de son nom ordinaire. Il exerça bien d’autres inhumanités : je n’en rapporterai qu’une seule, où cet homme de sang signala sa férocité.

Étant prêt d’entrer dans le Chen si pour y attaquer l’armée tartare, il fit enchaîner tous les habitants de la ville de Tching tou, et les fit conduire dans la campagne. Là, tout ce grand peuple à genoux criait miséricorde. Après avoir rêvé quelque temps : Qu’on les tue tous, dit-il à ses soldats, ce sont des rebelles : et aussitôt on les passa au fil de l’épée au nombre de six cent mille. Ce fut dans cette occasion que le père Buglio, et le père de Magalhaens baptisèrent une infinité de petits enfants, qui furent ensuite égorgés.

Le barbare ne survécut pas longtemps à tant de crimes. Comme il était en présence de l’armée qu’il allait combattre, on vint lui dire que cinq Tartares s’approchaient de la sienne : il monta à cheval aussitôt pour aller les reconnaître : mais dès qu’il parût, le tyran eût le cœur percé d’une flèche, et il tomba roide mort.

Son armée fut bientôt dissipée ; et toutes les provinces, où il avait exercé sa tyrannie, se livrèrent avec joie au vainqueur, et se soumirent volontiers à sa puissance. C’est ainsi que toutes les provinces plièrent sous le joug étranger, et que Chun tchi n’ayant encore que quatorze ans, devint tranquille possesseur de l’empire.

Tout était à craindre pour la religion dans ces temps de révolution et de trouble. Le père Adam Schaal était resté seul à Peking, pour gouverner cette église. Il ne fut pas plutôt connu du nouvel empereur, qu’il en fut extrêmement goûté ; et ce prince enchérit beaucoup sur son prédécesseur par les témoignages d’estime et même de tendresse, dont il honora le missionnaire.

Il y avait trois cents ans que les mahométans avaient la direction du tribunal des mathématiques. L’empereur la leur ôta pour la donner au P. Adam : le Père s’excusa plusieurs fois d’accepter cet emploi ; mais il ne lui fut pas possible de s’en défendre. Il vit bien