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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/130

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pourvoir de barques, et de toutes les choses nécessaires pour le voyage.

Ce fut à la faveur de ces patentes, que quatorze missionnaires entrèrent dans l’empire, et furent reçus partout avec honneur. Le père Ferdinand Verbiest était du nombre : il fut d’abord destiné à la province de Chen si, où, après avoir travaillé pendant dix mois, il fut appelé à la cour pour soulager le père Adam déjà avancé en âge, et pour l’aider dans son emploi de président du tribunal des mathématiques.

Dans ces entretiens fréquents, que l’homme apostolique avait avec l’empereur, il faisait toujours tomber le discours sur la religion : ce prince qui l’écoutait avec plaisir, admirait l’excellence et la pureté de la morale chrétienne : il lisait volontiers les livres qui traitent à fonds de nos mystères, et il s’en faisait expliquer les endroits difficiles.

Un jour que le Père lui donna un livre d’estampes, qui représentaient la naissance, la vie, et la mort de Notre-Seigneur, avec des explications de chaque mystère en langue chinoise, il se mit à genoux, et considéra toutes ces images avec beaucoup de respect. Il lut ensuite l’explication du Décalogue : quand il fut au sixième commandement, après avoir rêvé quelque temps, il demanda si ce précepte obligeait tout le monde ? Et le Père lui ayant répondu que la loi de Dieu était indispensable, et que les rois, de même que leurs sujets, étaient également obligés de l’observer, il répéta plusieurs fois ces paroles : Voilà une sainte loi.

Sous la protection d’un prince si favorable aux prédicateurs de l’Évangile, le christianisme devenait florissant dans la capitale, et jetait de profondes racines dans toutes les provinces. Un grand nombre d’ouvriers, parmi lesquels se trouvaient plusieurs jésuites français, y travaillaient avec un zèle que Dieu bénissait visiblement. On n’a point encore oublié dans la province de Chen si, les vertus apostoliques du Père le Faure : et les descendants de cette chrétienté nombreuse, qu’il a formée et cultivée durant tant d’années, se souviennent encore de ce qu’ils ont ouï raconter à leurs Pères de l’humilité de ce missionnaire, de sa douceur, de sa mortification, de sa confiance dans les plus rudes épreuves, et de ses travaux infatigables, qui étaient accompagnés de signes et de prodiges.

On avait lieu, ce semble, d’espérer qu’un prince, qui était prévenu de tant d’estime pour la loi chrétienne, et qui protégeait si ouvertement ses ministres, ne résisterait pas longtemps à la lumière qui l’éclairait : et en effet il ne paraissait pas éloigné du royaume de Dieu : mais il fut malheureusement retenu, et par l’attachement que les reines lui inspirèrent pour les bonzes, ennemis jurés du nom chrétien, et encore plus par les liens honteux d’une passion impure, que ces ministres de l’enfer resserraient de plus en plus, en flattant la corruption de son cœur.

Ce jeune monarque se laissa transporter d’un amour violent pour une dame mariée à un jeune seigneur tartare, laquelle allait souvent chez la reine. Cette dame en fit confidence à son mari, qui lui donna des leçons, dont elle eût la simplicité de faire pareillement confidence à l’empereur. Chun tchi envoya chercher l’infortuné mari : et sous prétexte de