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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/131

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quelque négligence dans l’administration de sa charge, de colère il lui donna un soufflet. Le chagrin que le Tartare ressentit de cet affront, lui causa la mort en moins de trois jours. L’empereur épousa aussitôt sa veuve, et la fit reine.

Le père Adam n’épargna rien pour le guérir de cette passion : il lui fit sur cela de vives et de fréquentes remontrances, que Chun tchi regardait comme l’effet de l’attachement que le missionnaire avait pour sa personne. Je pardonne vos invectives, lui disait-il, parce que je sais que vous m’aimez.

Cependant sa tendresse pour le Père diminua peu à peu, et il fut aisé de s’apercevoir qu’il ne le regardait plus que comme un censeur incommode, et qui troublait les plaisirs. Il eût un fils de la nouvelle reine, qui ne vécut que peu de jours, et la reine mourut bientôt après lui. Cette mort frappa tellement Chun tchi, qu’il en tomba malade, et enfin il mourut de douleur à l’âge de 24 ans. Prince, que tant d’aimables qualités eussent rendu digne d’un meilleur sort, s’il eût été plus fidèle aux grâces que Dieu lui avait ménagées.

Il appela le père Adam dans sa dernière maladie, et le voyant à genoux aux pieds de son lit, avec tous les signes d’un cœur saisi de tristesse, il s’attendrit pareillement, lui ordonna de se lever, lui fit présenter du thé, écouta ses derniers avis avec une docilité apparente, et le congédia avec les marques ordinaires de tendresse, auxquelles le Père fut d’autant plus sensible, qu’après l’avoir élevé comme son fils, et avoir fait tant d’efforts pour le mettre dans la voie du salut, il le voyait mourir dans l’infidélité. Avant sa mort il nomma Cang hi son second fils, âgé seulement de huit ans, pour lui succéder à l’empire, sous la conduite de quatre tuteurs qu’il lui donna.

La mort de l’empereur Chun tchi fut d’abord fatale aux bonzes, qui avaient entretenu ce prince dans ses folles passions, et qui avaient gâté son esprit par leurs pernicieuses maximes. Ils furent tous chassés du palais, où le père Adam continua d’avoir le même succès qu’auparavant : on lui donna même le titre de précepteur du jeune prince, et il eût le crédit de sauver la ville de Macao, qu’il y avait ordre de détruire, ainsi que toutes les habitations maritimes, parce qu’elles pouvaient favoriser le dessein d’un fameux pirate, qui croisait les côtes de la Chine, et faisait la guerre au nouvel empereur.

Ce fut par le même crédit qu’il apaisa diverses persécutions que les bonzes excitèrent alors contre le christianisme dans diverses provinces, et surtout dans celles de Hou quang, de Se tchuen, et de Kiang si. Mais un temps de minorité, qui est sujet à beaucoup de changements, et les diverses factions qui partagent d’ordinaire la cour sous un nouveau gouvernement, firent tout appréhender pour la religion.

En effet il s’éleva bientôt une persécution générale. L’on attaqua d’abord le père Adam, qu’on regardait avec raison comme le principal appui de la loi chrétienne. L’instrument dont l’enfer se servit, pour animer les quatre mandarins régents contre les missionnaires et leurs disciples, fut un lettré nommé Yang quang sien, homme de peu de mérite, mais violent,