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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/132

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et qui par ses intrigues et par ses artifices, avait eu le secret de se faire redouter des plus grands mandarins.

Il publia un livre, et présenta une requête aux régents, qui étaient l’un et l’autre remplis de blasphèmes contre la religion, et de calomnies contre les missionnaires ; et il le fit avec d’autant plus de hardiesse, qu’il crut le père Adam hors d’état de se défendre, parce qu’une paralysie soudaine, dont il fut attaqué, lui avait ôté l’usage de la langue et des mains. Il accusa d’abord les missionnaires de la cour d’ignorance en fait d’astronomie, et d’avoir renversé tous les principes.

Ce fut une accusation facile à détruire. Le père Ferdinand Verbiest y réussit, et contenta sur ce point les magistrats des tribunaux de la cour, en justifiant les prédictions que le père Adam avait faites des éclipses et des conjonctions des planètes, à certains jours et à certaines heures, et en faisant voir la justesse des règles qu’il avait proposées pour la réformation du calendrier. Mais il ne fut pas si aisé de dissiper le soupçon de la conspiration prétendue, dont Yang quang sien accusait les prédicateurs évangéliques.

Il soutenait que ces Européens avaient été bannis de leur patrie, comme des séditieux, et qu’ils venaient à la Chine, pour soulever les peuples contre l’autorité légitime ; que le père Adam leur chef, n’avait cherché à se donner tant d’autorité à Peking, que pour introduire dans l’empire une multitude d’étrangers, qui par son ordre parcouraient toutes les provinces, et dressaient le plan des villes, afin de pouvoir en faire plus aisément la conquête ; que le nombre de leurs disciples se multipliait à l’infini, et que c’était autant de soldats qu’ils enrôlaient ; qu’il venait chaque année un grand nombre de ces étrangers à Macao, qui n’attendaient qu’un moment favorable pour l’expédition qu’ils méditaient : selon eux, ajoutait-il, notre premier empereur Fo hi est un des descendants d’Adam : il vient d’un pays qu’ils appellent la Judée ; et il a apporté dans la Chine la loi qu’ils enseignent ; et s’imaginant que la Judée est en Europe : « N’est-il pas clair, disait-il, que leur dessein est de persuader aux peuples, que nos empereurs tirent leur origine d’Europe, et que leurs princes ont droit sur notre monarchie ? »

Il produisit ensuite un livre publié par le père Adam, où l’on exhortait les Chinois et les Tartares à embrasser la religion chrétienne, qu’on disait être la seule religion véritable. On voyait dans ce même livre la liste des églises établies dans les diverses provinces, et le nom des mandarins ou magistrats, qui avaient reçu le baptême. Yang quang sien fit entendre que c’était là un état de l’armée qu’on devait mettre sur pied au premier signal ; que les médailles et les chapelets que portaient les chrétiens, étaient les marques secrètes de ceux qui entraient dans la conspiration.

Enfin, pour donner plus de couleur à ses calomnies, il montra des livres distribués par les missionnaires, où l’on voyait la figure du Sauveur crucifié entre deux voleurs : « Voilà, dit-il, le Dieu des Européens, un homme attaché à la croix, pour avoir voulu se faire roi des Juifs ;