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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/133

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c’est ce Dieu qu’ils invoquent, afin qu’il les favorise dans le projet qu’ils ont formé, de s’emparer de la Chine. »

Cette requête fit sur l’esprit des quatre mandarins régents toute l’impression que le perfide lettré s’était promis. Elle fut renvoyée aux tribunaux avec ordre aux mandarins d’examiner attentivement une affaire si importante.

Les missionnaires, et quelques-uns des mandarins chrétiens qui avaient été cités dans la requête, furent chargés de neuf chaînes, et traînés à ces tribunaux. Le père Adam, qu’on regardait comme le chef de la prétendue conjuration, fut celui contre lequel on était le plus animé. On lui fit subir en différents temps plusieurs interrogatoires, dont quelques-uns durèrent une journée entière ; et il lui fallut répondre article par article aux diverses accusations de la requête.

Rien n’était plus touchant que de voir ce vénérable vieillard, âgé de 74 ans, si chéri de deux empereurs, et regardé peu auparavant comme l’oracle de la cour, à genoux comme un criminel, chargé de chaînes, et accablé d’infirmités, qui lui ôtaient tout pouvoir de se défendre. Le père Verbiest, qui était à ses côtés, répondit à tous les chefs d’accusation, d’une manière à convaincre les juges, et à confondre son accusateur, si la résolution n’eut pas été prise d’exterminer le christianisme.

Enfin le douze de novembre de l’année 1664, le père Adam et ses compagnons furent conduits aux prisons des tribunaux, où ils eurent infiniment à souffrir. Chaque prisonnier était gardé par dix soldats des huit bannières[1], qu’on changeait tous les mois. On fit le même traitement aux mandarins accusés d’être chrétiens. Enfin en l’année 1665 les mandarins s’étant assemblés, prononcèrent que la loi chrétienne était fausse et pernicieuse ; et que le Père Adam et ses compagnons méritaient d’être punis comme des séducteurs du peuple, et des prédicateurs d’une fausse doctrine. Ils firent encore comparaître plusieurs fois ces illustres confesseurs de Jésus-Christ qui défendaient avec beaucoup de courage leur innocence et la sainteté de la loi chrétienne. Mais les raisons les plus convaincantes ne sont guère écoutées par des juges, que la haine et la passion animent. Ils condamnèrent le Père Adam à être étranglé, ce qui est parmi les Chinois un genre de mort moins infâme : mais ensuite, comme s’ils se fussent repentis de l’avoir traité trop favorablement, ils révoquèrent cet arrêt, et le condamnèrent au supplice le plus cruel et le plus honteux, dont on punit à la Chine les crimes les plus atroces.

On fit donc la lecture d’une nouvelle sentence, qui portait que le chef de cette secte pernicieuse, déjà condamné, serait exposé dans la place publique, et coupé tout vivant en dix mille morceaux. On reconduisit les pères en prison, et la sentence fut envoyée aux princes du sang, et aux mandarins régents, pour être confirmée.

Dieu se déclara alors pour son serviteur, que jusque-là il avait paru

  1. Les soldats tartares sont tous compris sous huit bannières de différentes couleurs.