Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abandonner à la fureur des ennemis de son Nom. Toutes les fois qu’on voulut lire la sentence, un horrible tremblement de terre sépara l’assemblée, et obligea ceux qui la composaient de sortir de la salle, pour n’être pas accablés sous ses ruines. Les cris d’un grand peuple consterné, et surtout la frayeur de la reine, mère de l’empereur défunt, qui attribuaient ce terrible évènement à l’injustice des magistrats, forcèrent les mandarins régents d’ouvrir les prisons, et de publier une amnistie générale, dont on excepta néanmoins ceux qui étaient coupables de certains crimes, et entr’autres de professer ou de publier une fausse doctrine.

Ainsi les confesseurs de Jésus-Christ furent retenus dans les prisons, tandis qu’on rendait la liberté à environ douze cents criminels. Mais le tremblement de terre, qui se fit sentir de nouveau avec des secousses plus violentes, divers autres prodiges qui arrivèrent, le feu qui prit au palais, et qui en consuma une grande partie ; tout cela ouvrit les yeux à ces juges iniques, et les convainquit que le Ciel se déclarait en faveur de ceux qu’ils persécutaient si injustement.

On élargit donc ces illustres prisonniers, et l’on permit au P. Adam de retourner dans sa maison jusqu’au premier ordre de l’empereur. Il ne survécut pas longtemps à tant d’opprobres et de souffrances ; son grand âge et ses infirmités augmentées par les rigueurs d’une longue prison, lui causèrent une mort glorieuse, dont Dieu couronna les quarante-quatre années qu’il avait passées dans les travaux d’une vie apostolique. Il entrait dans la soixante-dix-septième année, lorsque Dieu l’appela à lui, le jour qu’on célèbre la fête de la glorieuse assomption de la sainte Vierge en l’année mil six cent soixante six.

La persécution fut également vive dans les provinces, où l’exemple de la capitale ne pouvait manquer d’être suivi. Les missionnaires y reçurent les plus sanglants outrages : on les traîna dans les divers tribunaux subalternes : on les chargea de chaînes, et on les conduisit escortés de soldats jusqu’à Peking, où ils furent jetés dans les affreuses prisons du Hing pou, c’est-à-dire, de la cour souveraine pour le criminel. Enfin, après avoir été examinés, ils furent exilés à Canton, où ils arrivèrent au nombre de trois pères de l’ordre de saint Dominique, d’un de saint François, et de vingt-un jésuites : quatre autres furent retenus à la cour ; et c’est d’eux, que la Providence se servit peu après, pour relever les tristes restes de la religion persécutée, et pour la rétablir dans sa première splendeur.

Dieu même parut venger l’innocence de ses ministres. La mort enleva So ni, le premier ministre Régent, et le plus grand persécuteur du christianisme. Sou ca ma, qui était le second, fut accusé et condamné à mort : ses biens furent confisqués, et on trancha la tête à ses enfants, excepté au troisième, qui souffrit le cruel supplice auquel le père Adam avait été condamné. Yang quang sien, l’auteur de cette tempête, et qui présidait au tribunal des mathématiques à la place du P. Adam, fut dégradé de son emploi, réduit à une fortune privée, et ensuite condamné à mort. Mais l’empereur touché de son grand âge, changea cette peine en un exil perpétuel. Comme il était en chemin pour se rendre au lieu de son