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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/156

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officier, qu’elle était touchée de leur affliction, qu’elle blâmait la conduite du viceroi de Tche kiang, et qu’elle voulait mettre fin à sa persécution : mais qu’il n’y avait que deux moyens d’y réussir ; l’un plus sûr et moins éclatant, qui était de lui donner des ordres secrets de réparer les maux qu’il avait faits ; l’autre moins facile, qui était de présenter une requête, et d’obtenir des tribunaux un arrêt favorable aux missionnaires : qu’ils prissent sur cela leur parti ; et que le lendemain ils vinssent lui déclarer à quoi ils se déterminaient.

Les missionnaires ne balancèrent pas sur le parti qu’ils avaient à prendre : si nonobstant la faveur de l’empereur, les mandarins ne laissaient pas de s’opposer au progrès de la religion, et de persécuter ceux qui l’embrassaient ; que serait-ce si l’on perdait les bonnes grâces du prince, ou si l’on s’attirait son indignation ? Au lieu que la loi chrétienne étant approuvée par un édit public, elle serait respectée des idolâtres ; les Grands ne craindraient plus d’être responsables aux tribunaux pour l’avoir embrassée ; les ouvriers évangéliques la prêcheraient sans contradiction ; et rien ne pourrait désormais traverser son établissement.

Ils furent encore déterminés à ce parti, par les conjonctures favorables où ils se trouvaient. L’empereur n’avait point oublié les services importants, que lui avait rendus le père Verbiest ; et il était infiniment content du zèle et de la dextérité, qu’avait fait paraître le père Gerbillon, en concluant la paix entre les Chinois et les Moscovites, et de la peine qu’il prenait conjointement avec le père Bouvet, pour lui enseigner la géométrie et la philosophie.

De plus, ils avaient dans le prince So san un puissant protecteur et un ami fidèle ; et plus que tout cela, leur confiance était en Dieu, qui tient entre ses mains le cœur des rois, et dont ils imploraient l’assistance par de continuelles et de ferventes prières.

Ils dressèrent donc leur requête, et la présentèrent secrètement à l’empereur, afin qu’il l’examinât, avant que de la lui offrir en public. Ils demandaient que la qualité de chrétien ne fut pas un titre pour être inquiété et persécuté. Ils s’étendaient ensuite sur la vérité et la sainteté de la loi chrétienne, qui enseigne les maximes de la plus pure morale, et la pratique des plus sublimes vertus ; et ils concluaient, en disant qu’il n’était pas juste que, tandis que l’on tolérait un grand nombre de sectes dans l’empire, la seule loi du vrai Dieu y fut proscrite et persécutée.

L’empereur ne trouva pas que cette requête fût propre à faire impression sur l’esprit des Chinois : il en dressa lui-même une autre en langue tartare, qu’il renvoya aux Pères, en leur permettant d’y ajouter, ou d’en retrancher ce qu’ils jugeraient à propos : et il avertit qu’elle fût présentée publiquement dans un jour d’audience, par les pères Pereyra et Thomas, qui, par la charge qu’ils avaient au tribunal des mathématiques, étaient personnes publiques, et avaient le droit de présenter des placets à Sa Majesté.

Ce fut le jour de la purification de la très sainte Vierge que ces deux Pères présentèrent, avec les cérémonies ordinaires, la requête que l’empereur