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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/159

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presque toujours à leurs propres passions, et ne cherchent jamais que leur intérêt particulier.

« Si donc nous remplissons exactement nos devoirs ; si jusqu’ici nous avons toujours cherché le bien public, il est manifeste que ce zèle vient d’un cœur bien disposé, et plein d’une estime, d’une vénération, et (si nous l’osons dire) d’une singulière affection pour la personne de Votre Majesté ; au contraire, si ce cœur cessait de vous être soumis, il serait dès lors opposé à la droite raison, au bon sens, et à tout sentiment d’humanité.

« Cela supposé, nous Vous prions très humblement de considérer, qu’après les fatigues d’un long voyage, nous sommes enfin arrivés dans Votre empire, non pas avec cet esprit d’ambition et de cupidité, qui y conduit ordinairement les autres hommes ; mais avec un ardent désir de prêcher à Vos peuples la seule véritable religion.

« Et certes, quand nous parûmes ici pour la première fois, on nous y reçut avec beaucoup de marques de distinction, ce que nous avons déjà souvent dit, et que nous ne saurions répéter trop souvent. La dixième année de Chun tchi on nous donna la direction des mathématiques. La quatorzième année du même règne, on nous permit de bâtir une église à Peking, et l’empereur même voulut bien nous accorder un lieu particulier pour notre sépulture.

« La vingt-septième année de Votre glorieux règne, Votre Majesté honora la mémoire du père Verbiest, non seulement par des titres nouveaux, mais encore par le soin qu’Elle prit de lui faire rendre les derniers devoirs avec une pompe presque royale. Peu de temps après, Elle assigna un appartement, et des maîtres aux nouveaux missionnaires français, pour leur faciliter l’étude de la langue tartare. Enfin, Elle parût si contente de leur conduite, qu’Elle fit insérer dans les archives, les services qu’ils avaient rendus à l’État dans leurs voyages de Tartarie, et dans leur négociation avec les Moscovites. Quel bonheur, et quelle gloire pour nous, d’être jugés capables de servir un si grand prince !

« Puis donc que Votre Majesté, qui gouverne si sagement cette grande monarchie, daigne nous employer avec tant de confiance ; comment se peut-il trouver un seul mandarin assez déraisonnable, pour refuser à l’un de nos frères la permission de vivre en sa province ? En vérité, on ne peut assez déplorer le sort de ce bon vieillard, qui demande humblement dans un petit coin de la terre, autant d’espace qu’il lui en faut, pour passer tranquillement le reste de ses jours, et qui ne peut l’obtenir.

C’est pour cela, que nous tous, les très humbles sujets de Votre Majesté, qui sommes ici comme des orphelins abandonnés, qui ne voulons nuire à personne, qui tâchons même d’éviter les procès, les querelles, et les moindres concertations ; c’est pour cela que nous Vous supplions de prendre en main notre cause, avec ces sentiments d’équité, qui Vous sont si ordinaires. Ayez quelque compassion pour des personnes