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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/160

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qui n’ont commis aucun crime : et si Votre Majesté, après s’être informée de notre conduite, trouve en effet que nous soyons innocents, nous la prions de faire connaître à tout l’empire, par un édit public, le jugement qu’Elle aura porté de nos mœurs et de notre doctrine.

« C’est pour obtenir cette grâce, que nous prenons la liberté de lui présenter cette requête. Cependant tous les missionnaires ses sujets, attendront avec crainte, et avec une parfaite soumission, ce qu’Elle voudra bien en ordonner. L’an trentième du règne de Cang hi, le seizième jour du douzième mois de la lune. »


Le jugement que porta le tribunal des rits, après avoir délibéré sur la requête, fut entièrement contraire aux intentions de l’empereur, et aux demandes des missionnaires. Ce tribunal arrêta qu’il fallait s’en tenir aux anciens édits, en les rapportant tout au long avec ce qu’ils contenaient de plus odieux contre la religion chrétienne ; qu’on pouvait conserver l’église de Hang tcheou, et défendre aux mandarins de confondre cette religion avec les sectes séditieuses ; mais qu’il ne fallait pas en permettre l’exercice dans l’empire, ainsi qu’il avait été tant de fois décidé.

L’empereur peu satisfait de cet arrêt, y fut presque aussi sensible que les missionnaires : il le rejeta, et ordonna aux mandarins de ce tribunal d’examiner une seconde fois la requête. C’était assez leur marquer son intention. Mais la réponse ne fut pas plus favorable ; et ils n’eurent pas plus de complaisance dans le second rapport, que dans le premier.

On sera surpris de la résistance de ce tribunal aux intentions de l’empereur ; surtout si l’on fait attention à la parfaite déférence qu’ont les mandarins, non seulement pour ses ordres, mais encore pour ses moindres inclinations. L’aversion naturelle que les Chinois ont pour les étrangers, pouvait porter quelques-uns de ces magistrats à se déclarer si ouvertement contre la loi chrétienne. Leur fermeté pouvait venir aussi d’un autre principe : lorsque l’empereur interroge les tribunaux, et que leur réponse est conforme aux lois, ils sont exempts de tout reproche : au lieu que s’ils s’écartent de la loi dans leurs délibérations, les censeurs de l’empire ont droit de les accuser, et l’empereur ne manque guère de les punir.

Quoi qu’il en soit, l’empereur voyant qu’on ne pouvait rien obtenir par la voie des tribunaux, et qu’ils s’obstinaient à ne pas vouloir approuver la religion chrétienne ; pour ne pas révolter les esprits, il résolut, quoiqu’avec peine, de signer l’arrêt. Il envoya en même temps le même officier de sa chambre nommé Tchao, pour consoler les Pères, et leur offrit de députer quelqu’un d’eux dans les provinces avec les plus grandes marques d’honneur, afin de faire connaître à tous ses peuples, l’estime qu’il faisait de leur mérite, et l’approbation qu’il donnait à leur loi.

L’officier trouva les Pères atterrés par la vive douleur qui les avait saisis, et qui ne pouvait être soulagée ni par des paroles, ni par des caresses. « Nous sommes, lui dirent-ils d’une voix entrecoupée de gémissements