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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/172

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et qui, sans prononcer sur la vérité de ces exposés, défendait de traiter de fauteurs d’idolâtrie, ceux qui en avaient permis l’usage ; ni par l’arrivée de M. de Tournon à la Chine, qui y avait été envoyé en qualité de patriarche des Indes, et de légat apostolique ; ni par le mandement de ce patriarche, qu’il publia à Nan king, et de l’exécution duquel des évêques et des religieux de différents ordres, interjetèrent appel au S. Siège, dans la persuasion où ils étaient, que ce mandement entraînerait la ruine entière de la religion dans ce vaste empire.

Je n’entrerai point dans le détail de tout ce qui se passa durant le séjour que ce prélat fit à la Chine. On eût d’abord beaucoup de peine à obtenir de l’empereur la permission qu’il demandait de se rendre à la capitale. Les jésuites de Peking furent refusés jusqu’à deux fois, et ce ne fut qu’après des instances réitérées, que ce prince l’accorda. Il fut admis à l’audience de Sa Majesté, et y reçut des honneurs extraordinaires.

Il n’est pas permis de douter de la droiture des intentions, ni de l’ardeur du zèle, qui animait le légat apostolique ; mais il était peu instruit des coutumes de cet empire. Il n’y a point de nations, même en Europe, les plus soumises au S. Siège, avec lesquelles il n’y ait des ménagements à garder, par rapport à leurs mœurs, et à la forme de leur gouvernement. La nation chinoise est celle qui en demande davantage, et par le mépris naturel qu’elle a pour les étrangers, et par ses usages si différents de ceux d’Europe. Messieurs des Missions étrangères, auxquels le légat avait donné toute sa confiance, auraient dû l’en informer ; et faute de l’avoir fait, il s’engagea dans des démarches, qui irritèrent l’empereur à un tel point, qu’il le fit conduire à Macao, avec ordre de l’y garder à vue, jusqu’au retour des pères Barros et Bauvolier, que ce prince avait envoyés en Europe.

C’est là qu’il fut honoré de la pourpre romaine ; mais il ne jouit pas longtemps de cet honneur. Il fut attaqué plus violemment d’une maladie, dont il avait déjà pensé mourir à Ponticheri, et ensuite à Nan king, par où il passa pour se rendre à la cour de l’empereur, et que M. Borghesi son médecin assura être le scorbut : ses douleurs, qui augmentèrent chaque jour, l’obligèrent de garder le lit, et enfin l’emportèrent le 8 juin de l’année 1710. Il mourut âgé de 41 ans, cinq mois, et dix-huit jours.

Soit qu’on ne fût pas persuadé à Rome, du danger que courait la religion à la Chine, en abolissant les cérémonies, soit que le légat eût été autorisé par des instructions secrètes, à publier son mandement, le pape parût l’approuver, en se contentant de le rapporter à son décret fait en 1704 et publié en 1708.

Les jésuites n’avaient pas plus d’intérêt dans cette affaire, que les autres missionnaires, qui étaient convaincus que tout le gouvernement de la Chine étant appuyé sur certains usages, dont plusieurs leur paraissaient exempts de superstition ; vouloir abolir ces usages, c’était irriter toute la nation, et lui rendre la religion chrétienne infiniment odieuse : mais ils parurent davantage, parce qu’étant attaqués personnellement, ils furent obligés de se défendre.