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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/174

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faire partir pour la Chine un nouveau légat apostolique, en le chargeant d’une instruction qui contenait les adoucissements et les permissions, qu’elle accordait aux chrétiens, par rapport aux usages de leur pays ; et les précautions qu’on devait prendre, afin que dans ces usages, il ne se glissât rien de contraire à la pureté et à la sainteté de notre religion.

Le choix du S. Père tomba sur M. Charles Ambroise Mezzabarba, qu’il fit patriarche d’Alexandrie, et qui arriva à la Chine en l’année 1720. Il serait trop long de décrire ce qui se passa durant sa légation, qui fut prudente et mesurée. Je dirai seulement qu’elle fut d’abord un peu traversée. Dès que monseigneur le légat fut arrivé à Canton, on ne manqua pas d’en informer l’empereur. Le P. Laureati, jésuite, agit si fortement auprès du Tsong tou, en lui représentant que Son Excellence n’avait que des choses agréables à dire à l’empereur, et des présents à lui faire de la part du pape, qu’il le fit partir pour Peking, sans en avoir reçu l’ordre de Sa Majesté.

Mais ce mandarin fut comme frappé d’un coup de foudre, lorsqu’après le départ du légat, il reçut un ordre de l’empereur, qui lui prescrivait de ne point permettre à Son Excellence d’aller à la cour, qu’elle n’eût déclaré le véritable motif de sa légation. Sa Majesté ayant appris qu’on l’avait laissé partir sans attendre sa réponse, donna ordre d’arrêter Son Excellence à quelques lieues de Peking, sans lui permettre d’aller plus avant.

Cet ordre fut donné à quatre mandarins, qu’elle envoya au-devant de M. le légat, et qui le joignirent en un lieu nommé Teou li ho. Ces mandarins ayant exécuté les ordres de l’empereur, Son Excellence leur répondit, que le pape l’envoyait pour s’informer de la santé de Sa Majesté, pour la remercier de la protection dont elle honorait les missionnaires, et pour la prier de lui accorder deux grandes faveurs : la première, de lui permettre de demeurer à la Chine en qualité de supérieur des missionnaires ; et la seconde, de permettre aux Chinois chrétiens, de se conformer aux décisions du pape sur les cérémonies de l’empire.

Cette réponse du légat ayant été portée à l’empereur, il fit dire à M. le légat, que les décrets du pape étant incompatibles avec les usages de son empire, la religion chrétienne n’y pouvait plus subsister ; qu’ainsi il eût à retourner sur ses pas, à se rendre incessamment à Canton avec ses présents, et à emmener avec lui tous les missionnaires, à la réserve de ceux, qui, à cause de leur âge et de leurs infirmités, n’étaient plus en état d’entreprendre un si long voyage ; qu’il permettait à ceux-ci de vivre à la Chine selon leurs coutumes ; mais qu’il ne leur laisserait jamais la liberté de publier leur loi, et de troubler son empire.

Cet ordre consterna M. le légat : il eût recours aux larmes et aux prières. « Infortuné que je suis, s’écria-t-il, je serai venu de neuf mille lieues par ordre du Souverain Pontife, et je n’aurai pas l’honneur de voir Sa Majesté, ni de faire passer jusqu’à elle le bref du pape ? »

Sur cela il pria les mandarins de porter ce bref à Sa Majesté, de l’engager à y jeter les yeux, et il leur donna en même temps un autre papier, qui contenait les permissions que le pape accordait, et qui adoucissaient la rigueur de ses décrets. « J’espère, ajouta-t-il, que ces deux pièces