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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/175

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apaiseront l’esprit de Sa Majesté. Je suis légat du pape, il ne m’est pas permis de passer les ordres qu’il m’a confiés : ce que je puis dire, c’est que je me conformerai en tout ce que je pourrai, aux intentions de Sa Majesté, et que je permettrai tout ce que je pourrai permettre. Si mes pouvoirs ne sont pas suffisants, j’aurai soin d’en informer Sa Sainteté, et de lui rendre un compte fidèle de toutes choses. »

Le même jour l’empereur fut informé de la réponse de M. le légat, et lui permit enfin de se rendre à Peking, où il le reçut avec distinction : il le combla d’honneurs dans plusieurs audiences qu’il lui donna.

Sans entrer dans le détail de ce qui se passa dans ces audiences, il parut enfin que l’empereur n’était pas satisfait. Il dit à M. le légat, qu’il ne l’admettrait plus désormais en sa présence, et qu’il lui donnerait ses ordres par écrit ; de plus, qu’il allait tirer des archives du palais les actes, et tout ce qui s’est passé entre les légats du pape et lui sur les rits chinois, depuis To lo, c’est-à-dire, monseigneur le cardinal de Tournon, jusqu’au jour présent ; qu’il en ferait composer un manifeste en trois langues, pour être envoyé dans tous les royaumes du monde, et que l’ambassadeur moscovite, qui était actuellement à sa cour, le répandrait, comme il le lui avait promis, dans toute l’Europe. « Je ne veux, pas juger moi-même ce différend, ajouta l’empereur, je veux m’en rapporter au jugement que les Européens en porteront. »

Ensuite l’eunuque de la présence jetant les yeux sur le mandarin Li ping tchong, et sur le P. Joseph Pereyra, jésuite, interprète de Son Excellence, leur dit de la part de l’empereur, que l’un et l’autre méritaient la mort, pour avoir trompé Sa Majesté, et lui avoir rapporté que monseigneur le légat n’avait rien que d’agréable à lui dire.

Ces ordres jetèrent M. le légat et tous les missionnaires dans un abattement et dans une consternation qui ne se peuvent exprimer : ils ne savaient quel parti prendre. Enfin il se détermina à envoyer un placet à l’empereur, par lequel il suppliait Sa Majesté de pardonner aux Européens, et de suspendre la publication de son manifeste, jusqu’à ce qu’il eût rendu au pape un compte exact de tout ce que Sa Majesté lui avait dit, ou lui avait fait dire par les mandarins ; sur quoi l’empereur fit dresser un écrit, qui contenait en abrégé tout ce que Sa Majesté avait fait depuis l’arrivée de M. le légat, et surtout les ordres qu’elle avait portés.

Tous les Européens furent assemblés, pour en faire une traduction latine, et attester qu’elle était fidèle. On nomma deux personnes de la suite de Son Excellence pour porter cet écrit à Rome. Quelques jours après M. le légat crut qu’il était plus à propos qu’il y allât en personne, parce qu’il y avait à craindre qu’on ne crût pas ses députés, au lieu qu’infailliblement on ajouterait foi à ce qu’il dirait : sa proposition plût fort à l’empereur, qui l’approuva, et consentit qu’il partît. Le jour du départ fut déterminé : Sa Majesté lui donna son audience de congé de la manière la plus gracieuse, en lui prenant la main à la manière tartare, et ajoutant à plusieurs autres marques d’amitié ces paroles : « Allez le plus promptement