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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/176

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que vous pourrez, je vous attends au plus tard dans trois ans, etc. »

Son Excellence répondit qu’elle allait partir incessamment ; qu’elle laisserait les choses dans l’état où elles étaient, et que le plus tôt qu’il lui serait possible, elle reviendrait à la Chine, et aurait l’honneur de se présenter devant Sa Majesté.

Cette promesse de M. le légat ayant un peu apaisé l’empereur, il prit congé de Sa Majesté, et il fut conduit à Canton, où il ne demeura que quatre ou cinq jours, et de là à Macao, avec tous les honneurs dûs à sa personne et à sa dignité. Il ne s’embarqua néanmoins qu’au commencement de l’année 1712. Mais avant son départ il fit une ordonnance, qui servit d’instruction à tous les missionnaires, et par laquelle, sans rien changer aux décrets précédents, dont il recommandait l’exacte observance, il prescrivait en détail les cérémonies et les usages qui pourraient se permettre ; il y ajoutait quelques interprétations propres à éclaircir les doutes, et les précautions qui devaient se garder, pour en éloigner tout ce qui serait capable de blesser la pureté de la religion ; avec défense, sous peine d’excommunication, de traduire en langue chinoise ou tartare la dite ordonnance, et d’en faire part à d’autres qu’aux missionnaires.

M. le légat revint heureusement en Europe. Dans la suite la mort de l’empereur de la Chine le dispensa de ce long et pénible voyage. Les missionnaires, que ce grand prince avait constamment protégés, furent infiniment touchés de cette perte. Les peuples qu’il avait gouvernés si longtemps avec tant de sagesse et de modération, le pleurèrent comme leur père ; et ce fut un deuil universel dans tout l’empire.

Aussi est-il vrai de dire que ce prince possédait souverainement l’art de régner, et qu’il réunissait en lui toutes les qualités qui font l’honnête homme, et le grand monarque. Son port, sa taille, les traits de son visage, certain air de majesté, tempéré de bonté et de douceur, inspiraient d’abord l’amour et le respect pour sa personne, et annonçaient dès la première vue le maître d’un des plus grands empires de l’univers.

Les qualités de son âme le rendaient beaucoup plus respectable. Il avait un génie vaste, élevé, et d’une pénétration que le déguisement ou la dissimulation ne purent jamais surprendre ; une mémoire heureuse et fidèle ; une fermeté d’âme à l’épreuve des évènements : un sens droit, et un jugement solide, qui, dans les affaires douteuses, le fixa toujours au parti le plus sage. Toujours égal et maître de lui-même, il ne donna jamais à entrevoir ses vues ni ses desseins, et il eût l’art de se rendre impénétrable aux yeux les plus perçants. Capable de former de grandes entreprises, il ne fut pas moins habile à les conduire et à les terminer.

Loin de se reposer sur des favoris, ou sur des ministres du gouvernement de ses vastes États, il prenait connaissance de tout, et réglait tout par lui-même.