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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/178

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il en fit souvent des éloges en présence de toute sa cour, il en protégea les ministres par un édit public, il en permit le libre exercice dans son empire, il donna même quelque lueur d’espérance qu’il pourrait l’embrasser.

Heureux, si son cœur eût été aussi docile que son esprit fut éclairé ; et s’il eût su rompre les liens formés depuis longtemps, ou par la politique, ou par les passions, qui l’ont retenu jusqu’à sa mort dans l’infidélité.

Elle arriva le 20 décembre de l’année 1722. Il était allé au parc de Haï tse, accompagné de ses Tartares, pour y prendre le divertissement de la chasse du tigre. Le froid le saisit, et se sentant frappé, il ordonna tout à coup qu’on retournât à Tchang tchun yuen[1]. Un tel ordre, auquel on ne devait pas s’attendre, étonna d’abord toute sa suite : mais on apprit bientôt le sujet d’un retour si subit. Son sang s’était coagulé, et quelques remèdes qu’on lui donnât, on ne pût le soulager. Il se vit mourir ; et le jour même qu’il mourut, en présence de Long co to son proche parent, et gouverneur de Peking, il fit approcher de son lit tous les enfants qui étaient dans l’antichambre, et leur déclara qu’il nommait son quatrième fils pour lui succéder à l’empire. Il expira sur les huit heures du soir à l’âge de soixante-neuf ans, et la même nuit son corps fut transporté à Peking.

Le lendemain à cinq heures du matin le nouvel empereur s’assit sur le trône, et prit le nom de Yong tching : il fut reconnu de tous les princes, de tous les Grands, et des mandarins qui composent les tribunaux. On donna à chaque Européen une pièce de toile blanche pour porter le deuil, et ils eurent permission de venir frapper de la tête contre terre devant le corps avec les princes du sang et les grands seigneurs de l’empire.

Yong tching ne fut pas plus tôt sur le trône, qu’il reçut des requêtes d’un grand nombre de lettrés, qui se déchaînaient contre les prédicateurs de l’Évangile, en les accusant d’anéantir les lois fondamentales de l’empire, et d’en troubler la paix et la tranquillité.

Ces requêtes, jointes à la prévention où était ce prince, que le feu empereur son père avait beaucoup perdu de sa réputation, par la condescendance qu’il avait eue, de permettre aux Européens de s’établir dans toutes les provinces, l’indisposèrent à un tel point contre le christianisme, qu’il n’attendait qu’une occasion pour le proscrire de ses États. Elle se présenta bientôt.

Ce fut dans la province de Fu kien, que s’élevèrent les premières étincelles, qui allumèrent le feu d’une persécution générale. La chrétienté de Fou ngan hien, ville du troisième ordre de cette province, était gouvernée par deux RR. PP. dominicains espagnols, venus depuis peu des Philippines. Un bachelier chrétien mécontent de l’un des missionnaires, renonça à la foi : il s’associa plusieurs autres bacheliers, et ils allèrent ensemble présenter une requête au mandarin du lieu, qui contenait plusieurs accusations.

  1. Maison de plaisance de l'empereur à deux lieues de Peking.