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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/183

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la plus profonde vénération ; ce respect croît à proportion de leur dignité. Les mandarins prennent le titre de pères du peuple ; et c’est principalement sous cette qualité que le peuple les révère. Quand ils rendent la justice, il ne leur parle qu’à genoux. S’ils paraissent en public, c’est avec un train et un cortège, qui inspire le respect ; ils sont portés dans une chaise magnifique et découverte, si c’est l’été, et couverte pendant l’hiver. Tous les officiers de leurs tribunaux les précèdent, tenant en main les marques de leur dignité : le peuple s’arrête, et se range modestement des deux côtés de la rue, les yeux baissés, et les bras étendus sur les côtés, jusqu’à ce qu’ils soient passés.

Je ne répéterai point ici ce que j’ai dit ailleurs, des honneurs qu’on leur rend, et des cérémonies qu’on observe pour leur rendre ces honneurs : je dirai seulement que la facilité avec laquelle le peuple chinois se laisse gouverner, que la paix qui règne dans les familles, que le bon ordre et la tranquillité qu’on voit dans les villes, ont pour principe ce grand respect filial, et cette vénération profonde qu’ils ont pour les mandarins.

Les autres points de leur morale, qu’ils regardent comme la source d’un gouvernement tranquille, et qu’on inculque continuellement aux peuples, sont la déférence qu’une femme doit avoir pour son mari ; la subordination qui doit se garder par rapport à l’âge, à la qualité, et au mérite ; la modestie, la civilité, et la politesse, qui doit régner dans le commerce de la vie.

Ces règles de bienséance dans les gestes et dans les paroles, dont leurs livres sont pleins, ont introduit dans l’air et les manières chinoises, une discrétion, une complaisance, et je ne sais quelle circonspection qui leur fait rendre à chacun les devoirs qu’il a droit d’exiger, et qui les porte à se prévenir les uns les autres, et à dissimuler, ou même à étouffer un ressentiment.

Rien, selon eux, n’est plus propre à adoucir les esprits, et à les humaniser : au lieu qu’une férocité naturelle, qu’on trouve en certaines nations, et qui est fomentée par une éducation grossière, rend les esprits intraitables, les dispose à la révolte, et jette le trouble et la confusion dans les États.

Ce n’est pas seulement parmi les personnes de distinction que règnent ces manières douces et honnêtes, on les remarque encore dans toutes sortes d’états : les artisans, les domestiques, les paysans mêmes se traitent avec civilité, se faisant des compliments, se mettant à genoux les uns devant les autres, lorsqu’ils se disent adieu, et n’omettant rien des usages que prescrit la politesse chinoise.

Ces principes de la morale des Chinois, sont presque aussi anciens que leur monarchie : ils ont été enseignés par leurs premiers sages, dans leur livres si respectés de tout l’empire : j’en ai donné le précis, et l’on y a pu voir les maximes qu’ils établissent sur ces différents devoirs.