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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/196

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entendre par là qu’on n’a pris une concubine que pour les besoins du ménage, afin qu’elle s’occupe des fonctions les plus basses et les plus pénibles ; qu’elle serve avec soin le père et la mère, qu’elle aime, qu’elle nourrisse, et qu’elle élève les enfants.

Mais si cette concubine a contribué par ses peines et par ses soins à accroître le bien de la famille ; si par son moyen vous êtes devenu riche, et plus respecté, ne convient-il pas qu’elle se sente de cet heureux changement de fortune ? Cependant combien en voit-on qui en usent tout autrement, qui renvoient sans aucun égard une concubine, après en avoir eu des enfants, et en avoir tiré de longs et d’importants services ? A les en croire, ils ne songent en la congédiant, qu’à relever davantage leur femme légitime, et à honorer les nœuds du mariage. Mais ne sait-on pas que dans les grandes familles, les enfants et les petits-fils qui parviennent aux degrés et aux charges, ce sont ceux de la femme légitime ? On a plus de soin de pousser leur fortune. Cependant plusieurs de ceux qu’on a eus des concubines, y parviennent aussi, et obtiennent des marques de distinction et de noblesse pour leur mère naturelle ; l’éclat et la splendeur de ses enfants rejaillit sur elle ; leur élévation l’annoblit.

On voit certains pères de famille se piquer de fermeté et de résolution, qui cependant ne laissent pas de livrer à la discrétion de leurs femmes une pauvre concubine qu’ils ont aimée. Cela est sujet à une infinité d’inconvénients : les affaires domestiques ne doivent se régler que par les ordres du maître de la maison : il ne convient point qu’une femme se mêle de gouverner, et parle d’un ton absolu.

Nous voyons dans les histoires anciennes, que les filles de rois, mariées à des personnes d’un rang inférieur, se comportaient en femmes modestes, sans jamais s’enorgueillir de la noblesse de leur extraction ; quels autres exemples doit-on suivre ? Est-ce la conduite des gens du commun ? N’est-ce pas plutôt celle des sages et des Grands qu’on doit imiter ? Je voudrais que les jeunes filles missent leur gloire et leur noblesse à être douces et obéissantes : les parents ne peuvent jamais mieux leur marquer leur tendresse, qu’en les formant de bonne heure à la civilité et à la vertu.

Nous n’avons point de livre des premiers temps, qui parle en termes exprès du mariage : ce n’est que sous la dynastie des Tang, qu’un nommé Liu tsai a écrit sur ce sujet : mais on l’a redressé sur plus d’un article. Maintenant on en voit plusieurs qui consultent les astres, et qui s’imaginent y trouver l’union ou la discorde, la bonne ou la mauvaise fortune des personnes qui se marient. Folle imagination ! Abus très pernicieux ! Ce sont ces vaines observations qui rompent de bons mariages prêts à se conclure, ou qui en font faire de très mal assortis.

Autre erreur de nos temps. A quoi bon attendre, dit on, qu’un jeune homme et une jeune fille aient vingt ans pour les marier ? C’est là ignorer nos anciens rits, qui disent que c’est à trente ans qu’on doit marier son fils, et à vingt qu’il faut marier sa fille. Peut-on lire dans nos anciens livres ces maximes de nos sages, et suivre des idées nouvelles ?