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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/198

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Celles qui avec tout leur mérite s’aperçoivent qu’on connaît la bassesse de leur extraction, s’imaginent qu’à tout moment on la leur reproche, et qu’on les regarde avec dédain. De là les dégoûts, les chagrins cuisants, les soupçons cruels qui rongent le cœur, et quelquefois les desseins d’une vengeance secrète. Le ver-luisant tire son éclat d’un tas d’herbes pourries où il est engendré ; les fleurs les plus odoriférantes tirent du fumier leur beauté et leur parfum ; la lumière sort du sein des ténèbres ; la meilleure eau de source est celle qui se puise à l’ouverture de la terre, d’où elle sort et jaillit.

Le premier état qui s’est trouvé dans le monde, est celui du mari et de la femme ; sont venus ensuite le père et les enfants, puis les frères ; après quoi les hommes se sont unis par les liens d’amitié ; les sociétés s’étant formées et multipliées, on a fixé l’état du prince et des sujets. Aussi dit-on que le principal soin du sage a pour objet l’état du mariage : l’union même du ciel et de la terre est le modèle d’une parfaite union conjugale. Nos livres classiques regardent le bon ordre de cet état particulier, comme la source du bon ordre en général.

La perfection de l’état du mariage, c’est par rapport au mari de vivre dans une étroite union avec sa compagne, de la traiter toujours avec honneur, sans trop se familiariser, de trouver en elle sa joie et son plaisir, sans se livrer à une trop grande passion.

Pour ce qui est de la femme, il faut qu’elle se distingue par une douceur mêlée de gravité, et par une complaisance respectueuse, qui ne donne point dans la basse flatterie. Anciennement quand le mari et la femme s’entretenaient ensemble sur quelque affaire, ils étaient assis vis-à-vis l’un de l’autre, et ils se parlaient avec le même respect que s’ils eussent entretenu des hôtes respectables, qui fussent venus leur rendre visite : conduite charmante !

Une femme a trois devoirs à remplir : elle doit savoir conduire le ménage, rendre des services assidus à son beau-père et à sa belle-mère, et enfin porter un grand respect à son mari comme à son maître. Si elle s’acquitte de ces trois devoirs, c’est une femme accomplie.

Au regard du mari, son vrai caractère doit être la fermeté pour maintenir le bon ordre dans sa famille : pour cela il doit tenir le rang de supériorité qu’il a, et être bien maître de lui-même dans l’usage des plaisirs les plus permis. De là naîtra l’union conjugale, qui sera suivie de tous les autres avantages du mariage.

Si, selon la louable coutume, c’est le père qui choisit à son fils une épouse, et la mère qui donne un gendre à sa fille, ce seront là deux garants de la mutuelle concorde des jeunes mariés ; ce qui y contribuera encore beaucoup, ce sera si dès le commencement la nouvelle fiancée n’écoute pas légèrement des soupçons peu fondés, le repentir viendrait ensuite, mais trop tard.

Pour ce qui est des concubines, on voit beaucoup de pères de famille qui savent les maîtriser ; mais il y en a peu qui aient l’adresse de les maintenir tranquilles dans la maison : c’est qu’il est rare que la première femme