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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/205

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vous ont manqué. Si lorsque vous pouvez faire impunément une injustice, vous ne la commettez pas ; si lorsque vous pouvez rendre un mauvais office, vous vous en abstenez, je dirai alors que vous êtes un sage, dont le cœur est bien réglé, et je vous promettrai sans peine un bonheur solide et durable.

Il y en a qui pratiquent la vertu pour se concilier de l’estime : on en voit qui menant une vie déréglée, sont contents, pourvu qu’ils déguisent leurs vices, et qu’ils sauvent les apparences. La conduite des uns et des autres fait voir que la droiture naturelle à l’homme, reste encore au fonds du cœur : pourquoi la contredire dans la pratique ?

Il ne faut pas se laisser abattre par la mauvaise fortune : quelque accident qu’il arrive, si l’on se possède, on pourra trouver une ressource. Dans les conjonctures les plus fâcheuses, prenez du temps, et délibérez. Pour moi, j’aime mieux essuyer le reproche d’avoir été lent à agir, que celui d’avoir tout perdu en agissant avec trop de précipitation.

Si je ne songe qu’à me rendre heureux, il est à croire que toutes les peines que je me donnerai, seront fort inutiles. Mais si ayant en vue mon propre bonheur, je me propose en même temps le bonheur des autres, j’ai tout lieu d’espérer que je réussirai.

Il ne tient qu’à moi d’employer les talents que j’ai pour remplir tous mes devoirs : cette seule réflexion doit étouffer en mon cœur les murmures qui s’élèvent contre le Ciel, et m’empêcher de rejeter mes fautes sur autrui.

Si je n’épargne point mes soins, je lève les yeux vers le Ciel, sans craindre qu’il me confonde ; je parais au milieu des hommes, sans qu’ils puissent me faire rougir.

Former le dessein de nuire à un autre, c’est ce qui est défendu ; mais être sur mes gardes, pour empêcher que d’autres ne me nuisent, c’est ce qui est permis.

Je lis les livres pour m’instruire ; je dois donc en les lisant, rentrer en moi-même, et m’appliquer les maximes qui me regardent. Les hommes ne plaignent point leur peine pour réussir dans ce qu’ils entreprennent : ils veulent que tous leurs ouvrages soient parfaits ; il n’y a que leur personne, et surtout leur cœur, dont ils négligent la perfection, et lorsqu’ils s’applaudissent d’un succès, on dirait qu’ils ignorent combien il y a à réformer en eux-mêmes.

On regarde avec des yeux d’envie les richesses des autres : avec ces vains désirs on ne les obtient pas. Ne vaudrait-il pas mieux fermer l’entrée à cette injuste cupidité ? On nourrit dans son cœur la volonté de nuire à un ennemi : cette volonté ne lui nuit pas. Ne serait-il pas plus à propos d’y renoncer ? Lorsque la fortune vous fait le plus de caresses, observez-vous plus que jamais, et bornez vos désirs. Lorsque vous êtes en humeur de parler, recueillez-vous un peu, et soyez attentif à vos paroles.

Après ce qu’on doit aux parents, on doit penser à ce qu’on se doit à soi-même, surtout dans ce qui regarde le soin de perfectionner son cœur ;