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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/213

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De la manière de gouverner sa maison, et de l’appartement séparé des femmes.


Ne donnez point d’entrée dans votre maison ni aux bonzesses, ni à certaine espèce de vieilles femmes, qui se mêlent de vendre des ornements de tête, des aiguilles, des pendants d’oreilles, des fleurs artificielles, ou de porter des remèdes, ou d’être entremetteuses de mariage. Leur principale occupation est de ramasser cent sortes de nouvelles de toutes les familles qu’elles visitent, pour en divertir votre femme et vos filles : encore n’est-ce pas là le plus grand mal : ce qu’il y a beaucoup plus à craindre, c’est qu’elles n’inspirent la galanterie, et le libertinage, et qu’elles ne ménagent des rapts et des enlèvements : ce sont là des pestes publiques, à qui l’entrée d’une honnête maison doit être interdite.

J’en dis autant de ces chanteuses qu’on introduit quelquefois jusque dans l’intérieur de la maison, et qui ne sont guère moins dangereuses. Quant aux sages-femmes, on ne peut s’en passer ; mais il faut les choisir d’une réputation saine : encore ne convient-il pas qu’elles aient trop d’habitude chez vous.

Quand on voit que dans une maison on se lève de grand matin, on peut conclure que cette maison est réglée, et qu’on n’y fait pas la débauche pendant la nuit : et lorsque cela est ainsi, on peut s’assurer que les esclaves et les domestiques ne sont ni libertins, ni fourbes, ni fripons. Au contraire ces maisons, où dès le soir on commence un grand festin, et où, lorsqu’il est grand jour, on est encore au lit, ce sont des maisons où règne le désordre, et qui sont sur le penchant de leur ruine.

N’ayez point chez vous de jeunes domestiques qui aiment à se parer, qui affectent des airs polis, et qui cherchent à plaire. On concevrait une mauvaise idée de votre sagesse. Pour ce qui est des femmes de vos esclaves, si elles ont de l’agrément dans leur personne, ne permettez jamais qu’elles entrent dans vos appartements : gardez-vous même de louer des nourrices trop bien faites : vous ne les auriez ni vues, ni entendu parler, et cependant vous ne pourriez dissiper mille soupçons injurieux qu’elles feraient naître.

De grandes joies sont d’ordinaire suivies de grands chagrins : il n’y a que dans une fortune médiocre qu’on goûte véritablement une joie tranquille et durable. Quand même vous seriez réduit au pur nécessaire, vous n’en serez pas moins heureux.

L’emploi d’un père de famille, c’est d’avoir l’œil à tout : il peut se dire à lui-même : si je suis attentif et vigilant, qui est-ce qui osera chez moi être oisif et paresseux ? Si je suis économe, qui osera être prodigue ? Si je