Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’envisage que le bien commun, qui osera chercher ses propres intérêts ? Si je suis franc et sincère, qui osera agir avec duplicité ? Non seulement les domestiques et les esclaves, mais encore les enfants et les petits-fils se formeront sur un si beau modèle. Aussi dit-on communément : la perfection de votre cœur, c’est de n’offenser jamais le Ciel : la perfection de votre extérieur, c’est-à-dire, de vos paroles et de vos actions, c’est qu’elles soient si sages et si mesurées, que vos enfants et vos domestiques puissent les imiter.

Il n’y a presque personne qui ne souhaite de se voir dans la prospérité, dans les honneurs, et dans l’abondance : mais qu’il y en a peu qui connaissent les devoirs de cette condition ! On se trompe si l’on regarde comme une chose aisée de s’y placer et de s’y maintenir. C’est la vertu et la capacité qui nous y élèvent : c’est par une suite de belles actions qu’on s’y maintient. Enfin c’est la science et la prudence qui y dirigent notre conduite. Si l’on manque de ces talents, on ne jouira pas longtemps de ses richesses et de ses honneurs : le seul sage sait les conserver par son application.

Les jeunes garçons et les jeunes filles ne doivent point s’assembler ni s’asseoir dans un même endroit, ni se servir des mêmes meubles ; ils ne doivent rien se donner de la main à la main ; une belle-sœur ne peut avoir d’entretien avec son beau-frère. Si une fille déjà mariée rend visite à ses parents, elle ne se mettra point à la même table que ses frères. Ces usages ont été sagement établis, pour séparer entièrement les personnes de différent sexe ; et un chef de famille ne saurait être trop exact à les faire observer.

Les jeunes fils de famille ne doivent point châtier eux-mêmes les domestiques et les esclaves qui ont fait quelque faute. Les filles et les femmes de la maison, ne puniront point non plus elles-mêmes leurs servantes ou les concubines : quand elles auront mérité le châtiment, on en doit donner avis au chef de famille, qui réglera avec bonté la punition, sans pourtant les punir lui-même : il y aurait à craindre que la colère ne le transportât.

Si les maîtres sont trop rigides, leurs valets les serviront avec moins d’affection. Il faut compatir à la faiblesse de ces malheureux : les jeunes ont peu de lumières, et les vieillards peu de force. Pour les bien gouverner, il faut joindre la gravité à la douceur : c’est le moyen de s’en faire aimer et respecter.

Il n’y a point de devoir plus important que celui d’instruire la jeunesse. Quand un jeune homme commence à étudier, ne lui faites pas de longues instructions sur la manière dont il faut vivre dans le monde : il suffit de l’aider insensiblement par la lecture des livres à acquérir cette sorte de science : inspirez-lui surtout la modestie, et le respect, et ne lui épargnez point les réprimandes et les corrections : c’est le moyen de détruire en lui l’esprit d’orgueil. Les habits trop magnifiques et les mets délicieux doivent de bonne heure lui être interdits. Ne permettez jamais qu’il ait la moindre liaison avec de jeunes gens mal élevés, ou enclins à la débauche.