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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/215

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Moyennant cette attention votre fils se portera comme naturellement à tout ce qui sera droit et raisonnable.

C’est l’étude qui donne à un jeune homme un certain air de politesse, et je ne sais quel agrément, qui fait rechercher sa compagnie. Si vous ne lui inspirez pas cet amour de l’étude, et qu’au contraire vous lui permettiez de ne songer qu’à ses plaisirs, quelle figure fera-t-il, lorsqu’il se trouvera au milieu d’un cercle de gens polis et habiles ? Si l’on jette sur lui le moindre regard, il s’imaginera qu’on lui reproche son ignorance. Si le discours tombe sur des matières d’érudition, vous le verrez sourire niaisement, et faire semblant de comprendre ce qui se dit ; mais dans le fonds il souffre autant que s’il était assis[1] sur des aiguilles.

On voit des parents qui tiennent leurs enfants tellement attachés aux livres, qu’ils ne leur laissent rien voir ni entendre de ce qui se passe au dehors. D’où il arrive qu’ils sont aussi neufs que ce jeune homme, qui se trouvant par hasard dans la place publique, et y voyant un cochon : voilà un rat, dit-il, d’une énorme grandeur. Cet exemple fait voir qu’on peut devenir un sot avec beaucoup d’étude.

Quand l’esprit d’un enfant s’ouvre de plus en plus, et que vous avez pris soin d’exercer sa mémoire, en lui faisant apprendre des livres ordinaires ; instruisez-le par degrés des différents devoirs de la vie civile ; et pour mieux faire entrer vos leçons dans son esprit, servez-vous, ou de comparaisons familières, ou de quelques vers qui les renferment.

Que les femmes s’assemblent rarement entre elles ; il y aura moins de médisances et plus d’union entre les parents. On lit dans le Livre des rits, que ce qui se dit dans l’appartement des femmes, ne doit point être entendu au dehors ; et de même, qu’elles ne doivent pas entendre ce qui se dit hors de leur appartement. On ne saurait trop admirer l’extrême délicatesse de nos sages, et quelles précautions ils ont apportées, pour empêcher jusqu’aux plus petites communications entre les personnes de différent sexe.

Cependant on voit aujourd’hui des femmes et des filles aller librement aux pagodes, et y brûler des parfums, monter dans des barques couvertes, et se promener sur l’eau : les maris le savent, et comment peuvent-ils le permettre ? On en voit d’autres regarder au travers du treillis, la comédie qui se joue dans la salle voisine, où l’on régale la compagnie. On rend ces treillis assez clairs, pour se laisser entrevoir. Il y en a même qui trouvent le moyen de montrer leurs petits souliers, et d’examiner par les fentes du paravent, l’air et les manières des convives. On les entend babiller, et faire des éclats de rire. L’œil des comédiens perce le treillis ; le cœur des conviés y vole. Mais ce qu’il y a encore de moins tolérable, c’est que ces comédies, où il ne s’agit que de représenter quelque belle action d’un sujet fidèle, d’un fils obéissant, d’un modèle de chasteté et d’équité, ne laissent pas d’être quelquefois mêlées d’intrigues amoureuses et de commerces criminels : est-il rien de plus dangereux pour les personnes

  1. Expression chinoise.