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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/216

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du sexe ; et les conséquences n’en sont-elles pas infiniment à craindre ?

L’éducation des jeunes filles doit être bien différente de celle des jeunes garçons. Il faut que ceux-ci apprennent les livres anciens et nouveaux, pour se rendre capables de parvenir aux grades et aux dignités. Mais pour ce qui est des personnes du sexe, les leçons qu’on doit leur donner, se réduisent à la vigilance, à l’économie, à l’union, à l’obéissance, au travail ; voilà quelle doit être toute leur science. On ne peut mieux louer la vertu d’une femme, qu’en disant qu’elle n’est pas savante.

Il y a une espèce de femmes qui parcourent les maisons, et vont de porte en porte, frappant un petit tambour jusqu’à ce qu’on les arrête : tantôt elles chantent des vers : tantôt elles récitent quelque histoire, qu’elles accompagnent de mimes, et de gestes propres à divertir. Leur style est simple et populaire ; et il n’en coûte que quelques deniers pour les payer de leurs peines. Les femmes et les jeunes filles se plaisent infiniment à entendre ces chanteuses : on en voit souvent de différentes familles, qui se rassemblent dans la même maison où elles les appellent. On les laisse d’abord chanter dans la première cour hors de la salle : ensuite on les fait entrer. La scène commence par des récits, qui n’enseignent que la vertu. Insensiblement elles tombent sur la galanterie ; elles racontent les malheurs de deux personnes qui s’aiment passionnément, sans pouvoir se le témoigner : on les écoute : on est attendri, on soupire, on pleure même quelquefois. Mais quel est enfin le dénouement de l’intrigue ? Des libertés furtives, et des plaisirs criminels. Quelles impressions funestes ce scandaleux amusement ne fait-il pas sur de jeunes cœurs ? Comment l’accorder avec les enseignements que nos anciens sages nous ont laissés sur la demeure des personnes du sexe ? Ils veulent que leurs oreilles n’entendent jamais de paroles tant soit peu contraires à la pudeur, et qu’aucun objet peu modeste ne se présente à leurs yeux. Voilà ce qui demande toute la vigilance d’un père de famille.

Dès qu’un jeune garçon a atteint sa douzième année, l’entrée de l’appartement intérieur doit lui être défendue : de même une jeune fille à cet âge ne doit plus avoir la liberté de sortir de son appartement : qu’on ne dise point, ce sont encore des enfants, il n’y a rien à craindre. On ne se défie point de vieilles domestiques ; elles vont et viennent partout : cependant c’est par leur canal, que des mots secrets pénètrent jusque dans l’intérieur des maisons. De là quel désordre !

Lorsque dans l’appartement des dames on n’entend point chanter des lambeaux de comédie, ni contrefaire la voix des comédiens, c’est signe qu’il y a de l’ordre et de la vertu. Si dans le temps que le mari est retiré avec sa femme, on n’entend point des éclats de rire ; c’est une marque qu’ils se traitent avec respect. On ne doit pas souffrir que pendant la nuit, les domestiques errent par la maison sans lumière. Cette précaution est nécessaire, et pare à de grands inconvénients : le maître et la maîtresse sont également intéressés à faire observer cet usage.