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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/217

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Des maisons de ville et de campagne.


On voit une infinité de gens qui sont tout occupés du soin de donner une bonne situation, et un aspect favorable à la sépulture de leurs ancêtres, s’imaginant que le bonheur ou le malheur d’une famille dépend de cette situation et de cet aspect. Mais lorsqu’il s’agit de leur propre logement, ils ne s’informent point à quelle constellation il répond, ni si le corps de logis est dominé par l’élément du feu, ou par celui de l’eau, s’il doit être plus ou moins exhaussé, si la grande porte doit être sur une telle ligne, ou sur une autre, afin que les richesses ne s’écoulent pas de la maison ; que la prospérité y entre, et que l’adversité ne s’y puisse pas glisser ; c’est à quoi on ne donne nulle attention. Cependant ce sont ces maisons, où nous prenons notre repos, où nous passons le jour et la nuit, où les enfants naissent, où ils sont nourris et élevés. Nos propres maisons influent bien plus sûrement, et plus directement sur tout ce qui nous regarde, que la sépulture de nos ancêtres.

On entend souvent parler de sortilèges, d’enchantements, de maléfices, de diableries ; et l’on prétend que ce sont les charpentiers ou les maçons, qui étant chagrinés sur leur travail, ou bien mal payés, de désespoir jettent des sorts sur les bâtiments qu’ils élèvent. J’avouerai que j’ai été longtemps incrédule sur cet article : ma raison était qu’un honnête homme, qui ne voit rien en lui, qui puisse le faire rougir, attend uniquement du Ciel la prospérité et l’adversité. Ho fou yeou tien.

Cependant ce que j’ai vu chez une personne de ma connaissance, m’a un peu guéri de ce préjugé : après sa mort ses enfants et ses petits-fils s’acharnèrent si fort au jeu, qu’en peu de temps leur bien fut dissipé. Comme on démolissait une muraille, on y trouva une assiette avec certain nombre de dés et une main d’homme faite de bois : et j’avais déjà ouï dire, que c’était ainsi qu’on jetait les sorts. J’avoue que cette découverte jointe aux malheurs et à la ruine de cette famille, me rendit un peu plus crédule. D’ailleurs je fais réflexion que dans le Code de nos lois, il y a des peines imposées à ceux qui se mêlent de sortilèges ; ce qui suppose qu’il y en a effectivement.

Ainsi donc quand on élève de grands bâtiments, qu’on entreprend une affaire importante, il faut bien se garder d’une épargne sordide, qui pourront donner lieu à la canaille de jeter des sorts et des malédictions. C’est un proverbe parmi le peuple, que le diable entend les paroles concertées du pacte fait avec le magicien ; et que la charpente entend ce que le charpentier prononce dans son indignation. Je sais bien que de mille événements qu’on attribue à ces maléfices, il ne s’en trouvera guère qu’un ou deux, où l’opération du diable soit certaine. Cela doit suffire, pour ne pas s’exposer à ces malheurs.