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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/218

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Des vers peu honnêtes, des pièces de galanterie, des peintures immodestes, en un mot tout ce qui peut salir l’imagination, ne doit jamais se trouver dans la maison d’un homme qui a de la probité et de la vertu. Car enfin si cela est exposé aux yeux des femmes et des enfants, comment osera-t-on leur prêcher l’honnêteté et la pudeur ? Il en est de même que des armes et des remèdes violents, qu’on ne laisse point traîner dans une maison, et qu’on a soin d’enfermer sous la clef, de peur que les enfants n’y touchent, et ne se donnent la mort.

Ceux qui ont des biens à la campagne, songent sans cesse à arrondir leurs possessions. Le proverbe dit, que quand vous achèteriez la Chine dans toute son étendue, vous auriez encore des champs voisins des vôtres. Ainsi à quoi bon tant de soins pour s’agrandir, et faire de nouvelles acquisitions ? Les biens que vous laisserez à votre mort, passeront en d’autres mains : ces grandes acquisitions susciteront peut-être des ennemis à votre famille, qui ne cesseront de la persécuter. Si vous aviez moins accumulé de terres, vos enfants auraient vécu dans une douce médiocrité, et en auraient joui paisiblement.

Ceux qui acquièrent des terres, font voir qu’ils sont fort riches. Ceux qui les vendent, donnent une preuve de la décadence de leur maison : c’est le besoin qui les y force. Ce que je veux dire par là, c’est que vous ne devez point vous prévaloir du besoin où est celui qui vend sa terre, pour ne la pas payer ce qu’elle vaut. Il faut qu’un prix honnête le satisfasse. Croyez-vous perdre votre argent, en le donnant de la sorte ? Ce que vous acquérez, ne vaut-il pas ce que vous livrez ? N’est-ce pas comme si l’argent n’était pas sorti de vos mains ? Voici le sens de quelques vers, qui ne viennent pas mal à propos à ce que je dis. Ces montagnes verdoyantes, ces paysages charmants, ce sont d’autres familles, maintenant ruinées, qui les ont possédées ; que ceux qui en jouissent actuellement ne s’en glorifient pas, d’autres après eux en deviendront encore les maîtres.

On plante beaucoup d’arbres autour des maisons de campagne, soit qu’on s’imagine que ces arbres portent bonheur, soit qu’on n’ait en vue que d’avoir une enceinte riante. Quand je vois un petit village environné de bois qui ombragent de tous côtés les campagnes, je juge que les familles qui l’habitent sont à leur aise : mais si j’aperçois de gros arbres abattus de côté et d’autre, c’est une marque certaine de leur indigence, et de leur pauvreté.

J’en dis autant des sépulcres que vos ancêtres ont eu soin d’environner de mûriers, et d’arbres à suif. Si on vient à les couper, c’est une marque certaine, ou de l’extrême pauvreté des descendants, ou de leur avarice et de leur mauvais cœur. Comme dans chaque famille il y a des pauvres et des riches, ceux-ci doivent aider les autres, afin de prévenir une semblable faute, qui ternirait à jamais leur réputation.

L’acquisition des terres est préférable à la grandeur et à la magnificence des bâtiments. Qu’un logement ait sur le devant un ruisseau ou un étang, et sur le derrière un jardin ; que la porte avec ses appartenances fasse le premier corps de logis : qu’en avançant on trouve une cour, et