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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/220

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sauraient ne devoir jamais obtenir ce qu’ils semblent poursuivre avec le plus d’ardeur.

Si un jeune homme va dans les places, ou dans les lieux où l’on s’assemble en foule, comme, par exemple, au spectacle des lanternes, ou aux comédies qui se donnent en public, il faut qu’il soit accompagné d’un ami sage, ou qu’il soit suivi d’un vieux domestique : encore doit-il être très attentif sur lui-même, et veiller à la garde de ses yeux, pour ne pas jeter inconsidérément des regards, qui seraient remarqués, et feraient naître des soupçons injurieux à sa réputation.

Un homme vain de son prétendu mérite, et qui recherche avec trop d’empressement l’estime des hommes, ne s’attirera que du mépris. Il faut pareillement éviter ces airs empressés, par lesquels on prétend marquer son affection à un ami, et encore plus l’usage des visites trop fréquentes : la familiarité fait naître le mépris : quand on se voit moins souvent, on se porte plus de respect, et les amitiés durent plus longtemps.

Faire du bien, parce qu’on espère d’en recevoir, c’est une conduite qui finit d’ordinaire par des inimitiés. Si vous ne faites une bonne œuvre, que pour en instruire aussitôt le public, vous verrez vos défauts les plus secrets attaqués par la médisance.

Avoir beaucoup d’esprit, et négliger l’étude, sans songer à se rendre utile au public ; être dans une grande place, et avoir l’autorité en main, sans soulager les misères du peuple, ni laisser aucun monument de son zèle pour le bien commun ; c’est contredire les vues bienfaisantes du Ciel, qui ne vous a élevé que pour l’utilité publique.

Quand on est né dans une fortune médiocre, on ne s’occupe guère de grands projets : ainsi l’on est dans la disposition la plus propre à aimer l’étude. Quand on est né dans l’éclat et dans l’opulence, il coûte peu de répandre des bienfaits, et c’est le temps de secourir les malheureux. S’il se trouve des gens qui, jusque dans l’indigence, conservent un désir sincère de secourir les misères d’autrui, ou qui, au milieu des richesses et des honneurs, s’appliquent sérieusement à l’étude de la sagesse, ce sont là des âmes du premier ordre, et qu’on ne saurait assez estimer.

On en voit parmi les heureux du siècle qui se plaisent à accorder des grâces ; mais ils les accompagnent souvent de certains airs de fierté et de hauteur, qui choquent quiconque se voit obligé d’implorer leur protection. D’un autre côté, la plupart de ceux qui se trouvent dans une fortune vile et abjecte, deviennent si timides et si réservés, qu’ils paraissent comme abîmés dans leurs disgrâces : ils sont inaccessibles et insociables. Double défaut à éviter.

Celui qui n’a pas essuyé de grandes traverses, ne connaît pas les douceurs d’une vie paisible. Celui qui n’a pas eu affaire avec des gens fâcheux et intéressés, n’estime pas assez le bonheur de vivre avec des amis fidèles et complaisants. Celui qui ne s’est pas trouvé dans certains pas glissants, ignorera avec quelle adresse on doit s’en tirer.

Un homme qui a été éprouvé par des revers de fortune et par la malice de ses ennemis, sans y succomber, sort de ces sortes d’épreuves plein