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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/238

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Si les présents qu’ils font au nouvel an, et dans d’autres rencontres, sont peu considérables, faites attention qu’ils s’incommodent encore beaucoup en vous les offrant ; les moindres civilités qu’ils doivent faire, les inquiètent, par le désir qu’ils ont de s’en bien acquitter. Ainsi soyez porté à les excuser, s’ils manquent à quelque cérémonie.

Pour ce qui est des personnes d’un rang inférieur, lorsqu’ils se trouvent invités à un repas, et au milieu d’une compagnie illustre, ils doivent bien s’observer pour ne rien faire contre les règles de la bienséance : on en voit quelquefois qui mettent la main sur tout ce qu’il y a de meilleur, qui ne quittent la tasse qu’avec peine, et après l’avoir vidée d’un seul trait, qui dégoûtent par leur malpropreté, qui en viennent même jusqu’à cacher dans leurs manches des fruits et des confitures ; les honnêtes gens souffrent étrangement de cette grossièreté ; mais le maître du logis en souffre encore davantage.

Parmi les dons du Ciel, il y en a que l’industrie et le travail des hommes lui a, pour ainsi dire, enlevé. Je m’explique. On a trouvé le miroir ardent, par le moyen duquel on produit le feu ; la pierre fang tchu, qui ramasse l’humidité, et donne de l’eau ; la boussole, qui marque le Chariot de la partie méridionale ; l’art de faire le calendrier, pour déterminer les saisons ; la connaissance des éclipses ; enfin plusieurs autres choses admirables, qui sont autant d’inventions de l’esprit humain. La terre même ne produirait pas des grains, si elle n’était labourée au printemps, et si en été on n’en arrachait les mauvaises herbes. Je veux dire qu’il ne faut pas attendre les bras croisés ce que fera le Ciel, mais qu’il faut mettre la main à l’œuvre, si l’on veut obtenir ce qu’on attend du Ciel.

Le sage qui réfléchit sur les continuelles vicissitudes de la vie, se maintient dans la tranquillité, en se précautionnant contre tout ce qui pourrait le troubler. C’est l’inconstance et la légèreté du cœur humain qui porte les petits génies à courir témérairement les plus grands hasards, dans le dessein de faire fortune.





De la civilité, et de ses devoirs.


Les civilités qui se pratiquent dans le commerce du monde, sont à la vérité de pures cérémonies ; cependant il n’est pas permis à un honnête homme de les ignorer : il faut qu’il sache comment on se salue l’un l’autre, soit de loin, soit en s’abordant ; quand et de quelle manière il faut céder le pas ; de quelle sorte on fait la plus profonde révérence ; quelles cérémonies se doivent observer dans un festin ; enfin cent autres manières honnêtes et polies, que l’usage et la bienséance prescrivent. Ceux qui négligent de s’en instruire, seront fort embarrassés[1] de leur

  1. L'expression chinoise dit : ne sauront que faire de leurs pieds et de leurs mains.