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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/239

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contenance, lorsqu’ils se trouveront dans l’obligation indispensable de les pratiquer.

Nos jeunes gens ont coutume de dire : alors comme alors, on en sera quitte en faisant quelques petits mouvements, comme si l’on voulait faire les civilités dans les formes ; ne voit-on pas souvent les mandarins en user ainsi entr’eux ? Ils agissent et abrègent ces cérémonies ; dans un festin, après avoir fait un petit salut, en remuant et élevant les deux mains jointes, Y kung, ils vont prendre leurs places sans façon. Que dites-vous, jeunes gens ? On voit bien que vous avez peu d’expérience. Ces mandarins savent parfaitement tous les rits qui se pratiquent, et ils n’y manqueront pas au besoin, au lieu que vous autres, vous ne vous en dispensez, que parce que vous les ignorez. Quand on ne s’est pas formé de bonne heure à ces civilités, il est aussi difficile de s’en tirer avec honneur, que de transporter une montagne d’un lieu à un autre.

C’est une coutume établie de se faire des présents en certains jours, et dans certaines occasions ; on ne s’en dispense pas, si l’on sait vivre. Mais je voudrais qu’on offrît des choses utiles. Aujourd’hui on présente des poules, du poisson, des cochons, des canards, des gâteaux, des confitures et autres choses propres à manger. Un mandarin, dont on célèbre la naissance, voit ce jour-là la cour de sa maison et sa cuisine regorger de ces sortes de présents ; pourra-t-il en faire la consomption, surtout dans les brûlantes chaleurs de l’été ? Ces mets délicats se trouvent gâtés, avant même qu’on les ait tirés des caisses vernissées où ils ont été portés. Cependant on s’est mis en grands frais pour faire ces présents : quel est l’avantage qu’en retire le mandarin à qui ils sont offerts ?

Ma pensée serait donc qu’on donnât moins, mais qu’on fît un bon choix des choses qu’on donne, et qu’on ne se bornât point à ce qui se sert dans un repas. Je voudrais qu’en été, par exemple, vous offrissiez des mouchoirs, des pantoufles propres à tenir les pieds frais, des vases de terre sigillée, où l’eau se purifie, des éventails bien choisis, des petits chevets de rotin creux, et percés à jour, des nattes de jonc extrêmement fines, des meilleurs pinceaux pour écrire, des pièces d’encre, quelque belle porcelaine : et si vous voulez, de la gaze, des soieries, des toiles fines et déliées. Si c’est un temps d’hiver, vous pourrez offrir des corbeilles remplies de chandelles rouges, des charges de charbon, des bas de feutre, un bonnet de peau bien étoffé, des cassolettes d’un bon goût, des garnitures de chaises, des livres, des peintures, d’excellent vin : et si vous souhaitez donner des choses plus précieuses, des pièces de brocard, des bottes de soie, de riches habits fourrés de peaux : tout cela se peut présenter, et épargnera de la dépense à celui qui le reçoit.

On peut aussi se contenter d’envoyer un billet d’honnêteté, avec une liste des différentes choses qu’on veut donner, sans les acheter d’avance ; et se réservant à n’acheter que les pièces qu’on aura daigné agréer. Si l’on n’accepte rien, il n’en aura coûté qu’un peu de papier rouge, et il vous en reviendra un honnête remerciement. Si l’on accepte, outre qu’il y aura un retour de politesse, vous n’aurez point fait de frais inutiles. C’est