Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi que s’entretient le commerce d’amitié que l’on se doit les uns aux autres.

J’en vois qui affectent de me donner des marques extraordinaires de respect : je juge que dans le fonds ils me respectent peu. J’en vois d’autres qui me font la cour par de basses flatteries : je juge qu’ils seront les premiers à parler mal de moi en mon absence.

Lorsqu’à la mort de vos parents plusieurs personnes sont venues chez vous faire la cérémonie tiao, vous devez, après les sept premiers jours, aller aussitôt les remercier ; c’est un devoir indispensable pour un fils bien né, et plein de respect pour ses parents.

Il faut donc alors, que vêtu d’un habit grossier, et vous appuyant sur un bâton, vous paraissiez à la porte de chaque maison, et que là vous vous prosterniez, et frappiez du front contre terre : il faut de même qu’au nouvel an qui suivra, de grand matin, pour n’être aperçu de personne en un jour si solennel, vous parcouriez toutes les maisons de ceux qui ont fait chez vous le tiao, et que vous mettiez dans les fentes de la porte votre billet de visite.

Autrefois un gouverneur de ville vit tout le peuple, grands et petits, venir à son hôtel faire le tiao, et le consoler de la mort de son père. Dès que la cérémonie fut finie, ce mandarin ne pouvant aller dans toutes les maisons, se rendit à pied aux quatre portes de la ville, et de là se tournant vers les maisons des particuliers, il fit plusieurs fois les prosternements accoutumés. Si une personne de ce rang a cru devoir en user ainsi à l’égard du petit peuple, oserait-on manquer à un devoir si nécessaire ?

Parmi les abus introduits dans ce siècle, en voici un, contre lequel je ne saurais assez me récrier : on fait des processions ; on porte dans les rues des idoles ; chaque quartier se dispute la gloire de faire un plus grand fracas. On en voit qui s’habillent à la mode de nos anciens sages. D’autres, pour donner cours au culte des idoles, s’unissent ensemble, prêchent leur fausse doctrine, et exaltent leur pouvoir. Les jeunes gens, qui n’ont pas encore assez de discernement, sont effrayés de ces discours : la crainte produit dans leurs cœurs le respect pour ces idoles, et ils ne plaignent point l’argent qu’on leur demande pour la réparation de leurs temples. Quel désordre !

Autre abus qui concerne les enterrements. Ignore-t-on qu’aussitôt que la mort a enlevé un parent ou un ami, il n’a plus de commerce avec nous ? Ce qu’on lui doit après sa mort, ce sont des marques de douleur et d’une tendre affliction : l’on ne peut trop en donner. Mais faire précéder le convoi de gens qui marchent sur des échasses, et d’autres qui portent sur des caisses différentes figures d’hommes ; mêler aux funérailles des troupes de comédiens[1] qui jouent leur rôle en accompagnant le cercueil ; croire que ce fracas est nécessaire pour une pompe funèbre ; n’est-ce pas être dans une erreur tout à fait ridicule ?

Dans la cérémonie du tiao pour les morts, on ne doit pas être vêtu de

  1. Il y a apparence que par comédiens il entend une troupe de bonzes.