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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/260

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Autre exemple.


Long king tchong fut en son temps un exemple de désintéressement et de droiture. Quand il fut fait magistrat de Hiu tsu, il ne mena avec soi que son fils et un[1] domestique. L’hiver étant rude, son fils qui était sensible au froid, pria son père de lui procurer du dehors un peu de charbon. Long n’eut garde d’y consentir ; mais faisant apporter un bâton : — Prenez ce bâton, dit-il à son fils ; servez-vous-en pour faire l’exercice, tournez-le en tout sens, et vous aurez bientôt chaud. Sur la fin de l’année qu’en[2] signe de réjouissance on tire des pétards, son fils encore jeune voulait s’en procurer du dehors[3]. Son père l’ayant su, l’appela, et lui faisant donner un bout de certain bois creux nommé tcheou[4] : Si vous aimez le bruit, mon fils, lui dit-il, frappez de ce bois sur cette porte, vous en ferez à peu près autant qu’avec des pétards.


Honneurs rendus à un mandarin désintéressé.


Haï choui mourut étant le premier yu sseë de la cour du midi. Son désintéressement avait toujours été si grand, qu’après avoir passé par beaucoup d’emplois considérables, il était aussi pauvre en mourant, que le moindre lettré du commun. A sa mort Ouang yong ki l’alla voir. Il fut également surpris et touché de sa pauvreté. Ne pouvant retenir ses larmes, il se retira, et envoya une bonne somme, pour aider aux frais des funérailles. Les principaux de la cour en firent autant ; et ce qui fut encore plus honorable pour le défunt, c’est que le peuple à sa mort, ferma pendant plusieurs jours les boutiques, pour témoigner sa douleur : et quand la famille en deuil partit avec le cercueil pour le porter, suivant la coutume, à la sépulture de ses ancêtres, il y avait le long de la rivière, jusqu’à environ dix lieues, des tapis dressés, et des tables garnies, qu’on lui offrait pour honorer sa mémoire.

  1. L’empereur entretient un train réglé et déterminé pour les mandarins, qui les accompagne quand ils sortent. Ils n’ont communément alors que peu de leurs domestiques à leur suite, quand d’ailleurs ils en auraient plus de cent à leur service ; ce qui est fort ordinaire à la Chine.
  2. Il s’en tire un nombre infini à la fin de l’année & au commencement de l’autre en signe de réjouissance. On en tire aussi le premier jour et le quinzième de chaque lune, et en divers temps de réjouissance, aussi bien qu’aux enterrements.
  3. Toute la famille d’un mandarin un peu considérable est comme en prison dans sa maison. On n’en laisse sortir aucun sans grande raison. L’acheteur même est un homme du tribunal, et non des domestiques du mandarin.
  4. Les Européens ici et aux Indes, appellent ce bois bambou. Il y en a beaucoup dans les provinces méridionales de la Chine. C’est une espèce de roseau, mais qui devient très dur. Les plus gros n’ont guère qu’un pied chinois de tour, et sont longs d’environ vingt pieds. Au-dessous de cette mesure il y en a de toute grosseur & de toute longueur. Il est d’un grand usage.