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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/261

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Fermeté d’un mandarin.


Tchin suen fut en son temps un modèle de désintéressement, et il y joignit toujours une droiture inflexible et une fermeté constante à résister aux abus du siècle. Dans le temps qu’il présidait aux lettres dans le Chan tong, il passa un yu sseë[1], qui allait ailleurs en qualité de visiteur extraordinaire. Les officiers du lieu, grands et petits, du moins tous ceux qui étaient d’un degré inférieur à ce yu sseë, venant à lui rendre leurs devoirs, se jetèrent à deux genoux. Pour Tchin il se contenta de faire une profonde inclination.

Le visiteur en fut choqué, et lui demanda brusquement, quel était son emploi : J’ai soin des études, dit Tchin, sans s’émouvoir. Qu’est-ce que cela, dit le visiteur en colère, en comparaison d’un yu sseë ? Je sais, monsieur, la différence qu’il y a de l’un à l’autre, dit gravement Tchin ; et je ne prétends point aller du pair avec vous. Mais, en matière de cérémonies, nous qui sommes à la tête des lettrés, nous les devons instruire par nos exemples ; et dans les soumissions que nous rendons à nos supérieurs, nous ne pouvons excéder sans conséquence.

Le visiteur vit bien à l’air de Tchin, qu’il n’était pas homme à céder. Il aperçut d’ailleurs aux environs les lettrés en troupes ; ainsi comme il sentit bien que la violence n’était pas de saison, il se radoucit. Prenant donc tout à coup un visage ouvert, et un ton moins rude : Maître, dit-il, vous n’avez rien à voir dans les affaires qui m’amènent, ni moi dans celles qui vous regardent. Ne vous donnez pas désormais la peine de venir chez moi. Sur quoi Tchin se retira.


Mandarin charitable et désintéressé.


Certaine année la stérilité fut si grande dans le territoire d’Y hing, que de tous les enfants qui venaient au monde, on n’en nourrissait que très peu. Gin fang, alors gouverneur, publia sur cela des ordres sévères ; et pour remédier à ce mal par toutes les voies possibles, il fit une exacte recherche des femmes enceintes, et leur fournit de quoi subsister. On compta plus de mille familles qu’il avait sauvées par ce moyen. Aussi quand à l’arrivée de son successeur, il partit pour aller en cour, il n’avait plus que cinq charges de riz : et quand il arriva à la cour, il n’avait pas un habit supportable. Un tsiang kiun[2] de ses amis, eut soin de lui en donner.

Peu après Gin fang fut fait gouverneur de Si ngan. Il partit pour s’y rendre sans y envoyer des lettres d’avis[3]. Lorsqu’on s’y attendait le

  1. Nom de dignité.
  2. C'est le plus haut degré de milice.
  3. La coutume est d'en envoyer, et cela cause de la dépense aux gens des tribunaux, dont un détachement va parfois 60 ou 80 lieues au-devant du mandarin.