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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/262

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moins, on le vit venir à pied ; et en marchant vers son tribunal, il expédia différentes affaires dont on lui parla. Il continua sur ce pied-là tout le temps qu’il fut à Si ngan. Il y mourut en charge, et la dernière parole qu’il dit, fut pour défendre qu’on prît rien des gens du lieu à son occasion. On lui obéit exactement : et comme d’ailleurs il était très pauvre, son cercueil fut du bois le plus commun, et il fut enseveli dans quelques vieux habits qui lui restaient. En récompense il fut pleuré de tout le monde, et on le regrette encore à Si ngan.


Parmi le recueil des sentences gravées dans la salle de Li ouen tsie, on lit ce qui suit :


Vous n’êtes pas importun à vos égaux par des demandes trop fréquentes ou hors de propos. Qu’y a-t-il en cela de noble et de grand ? Vous faire valoir par cet endroit, c’est justement vous vanter de n’être pas un gueux de profession.

Ne prendre que ce qui vous est dû, c’est bien fait. Mais si vous prétendez que cela mérite le beau nom d’homme désintéressé, vous avez tort : c’est précisément n’être pas voleur.

Dans le village dont vous êtes seigneur, vous êtes fort réservé à exiger des corvées de vos vassaux[1]. Ne prétendez pas à ce prix-là passer pour un homme vertueux et charitable. Tout ce qu’on vous doit, c’est de reconnaître que vous ne faites pas le petit tyran, comme font tant d’autres.

Pourquoi tant de soins d’amasser des richesses injustes ? Est-ce pour fournir aux folles dépenses d’une femme ou d’un fils ? Est-ce pour soutenir le ridicule faste d’une prétendue noblesse ? Est-ce enfin pour avoir de quoi assembler et payer les bonzes, afin qu’ils demandent pour vous des prospérités ? Peu importe laquelle de ces trois choses vous ayez en vue ; il sera toujours vrai de dire que c’est employer bien mal vos peines et vos soins.


Ami solide et désintéressé.


Tchao kang tsin fut d’abord élevé à une charge considérable avec Ngeou yang tchong. Ensuite ils furent tous deux faits ministres. Il arriva que Ngeou yang fut accusé de malversation. Tchao, contre l’ordinaire des gens de même rang et d’une même profession, fut très sensible à la disgrâce de son collègue. Il n’omit rien pour le purger de tout ce qu’on lui imputait. Il alla jusqu’à s’offrir à justifier tous les ordres que Ngeou yang avait donnés, et à se faire sa caution, le tout sans bruit, sans éclat, et à l’insu même de Ngeou yang.

  1. Cela est fort rare à la Chine.