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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/265

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bien des ouvriers, dit-il ; comment votre maître pourvoit-il à leur payement ? Ce seul embarras n’est pas petit. Cela ne l’embarrasse pas le moins du monde, répondit le domestique ; il a réglé tant de grains pour les frais de la sépulture de chacun de ces pauvres gens, et le payement se fait par un tel, qui est parent de notre maître. Tong ne poussa pas plus loin ses questions ; mais louant au domestique la charité du maître, il ne laissa pas de lui écrire par ce même domestique un petit billet d’avis en ces termes : Toute bonne œuvre se doit cacher autant qu’on le peut : du moins ne faut-il pas chercher à la publier. Rien de plus bas que ces charités, dont la vanité est le motif.


Récompense de la fidélité à rendre une chose trouvée.


Du temps de l’empereur Yong lo, un marchand nommé Sun yong étant en voyage, vit sur sa route une bourse suspendue à un pieu. Il l’ouvrit, et y trouva deux grandes aiguilles d’or, telles que les femmes en portent à leurs cheveux. Il s’assit dans cet endroit, attendant que la personne qui les avait perdues, vint les chercher. A nuit close, vint une esclave toute en pleurs, qui cherchait les aiguilles de sa maîtresse qu’elle avait perdues, et qu’on la soupçonnait d’avoir volées. Le marchand s’étant assuré que ce qu’il avait trouvé, était justement ce qu’elle cherchait, le lui remit. La fille transportée de joie, lui demanda son nom : il ne le dit point : Monsieur, ajouta-t-elle, que puis-je faire pour vous témoigner ma reconnaissance ? À ces mots le marchand doubla le pas sans rien dire, et gagna, malgré la nuit, un gîte assez loin de là. Lorsqu’il fut arrivé à Nan yang, qui était le terme de son voyage, il fit en très peu de temps un gain beaucoup plus considérable qu’il ne pouvait l’espérer. Il partit pour s’en revenir avec plusieurs autres marchands. Repassant, mais en barque, à l’endroit même où il avait trouvé la bourse, et sa barque s’étant rangée le long du rivage, il vit sur le bord de la rivière l’esclave à qui il avait rendu la bourse. Cette fille venant de laver du linge, le vit aussi, et le reconnut. Elle lui parla pendant quelque temps, étant toujours sur le rivage, et le marchand sur sa barque. Après quoi elle se retira. Sun yong, que cet entretien avait arrêté quelque temps, et empêché de suivre les autres barques, trouva qu’il était tard pour partir seul, et se résolut de demeurer là le reste du jour. Il s’éleva tout à coup une tempête. Tous ceux qui étaient partis, périrent. Sun yong qui s’était arrêté, ne périt point.


Contre ceux qui abusent de la misère d’autrui.


La pauvreté et les richesses changent souvent de maison. Les biens de ce monde n’ont point de maître bien fixe. Quand on vend ce qu’on en a, c’est communément par nécessité. Cependant il n’est que trop ordinaire qu’un homme réduit à cette extrémité, rencontre quelqu’un de ces riches impitoyables, toujours prêts à s’engraisser des malheurs